Magic doesn't come from talent...
... it comes from pain.


legends for evermore

Evermore aurait du être l'aboutissement de millénaires de tentatives, d'apprentissage sur l'autel d'échecs successifs, de remaniements censés leur permettre de faire toujours mieux. Et pendant un temps, ce monde créé de leurs mains magiques, presque divines, remplit toutes ses promesses et plus encore. Une terre vaste, unie, mêlant la magie aux hommes dans une harmonie parfaite sur laquelle les Magiciens régnèrent des siècles durant. Ils virent Evermore évoluer, grandir, mûrir aussi au rythme des apprentissages humains. L'ère de la magie parfaitement équilibrée, conservée entre leurs mains expertes de faiseurs de miracles, leur donna le sentiment d'avoir enfin trouvé la combinaison idéale et tant pis si certains devaient payer le prix de leurs désirs toujours changeants ou que leur propre conscience s'effaçait au profit de leur quête du pouvoir et du contrôle absolus. Leur monde utopique laissa entrevoir des couleurs sombres, par infimes touches d'abord, à peine perceptibles et qu'ils choisirent d'ignorer, par excès d'orgueil ou bien par volonté de se voiler la face. Les Magiciens s'enfoncèrent dans la certitude qu'ils avaient d'être guidés par leurs bonnes intentions, qu'importe qu'on découvrit petit à petit les dérives qu'une telle quantité de magie laissée en toute liberté pouvait engendrer.

Mais ces dérives gonflèrent, au point d'être impossibles à ignorer même pour eux. Un conflit s'envenimant au point de devenir guerre. Un homme s'octroyant un territoire quitte à assassiner ses opposants. Des créatures magiques soumises à la féroce volonté d'humains dépourvus de la moindre fibre de pouvoir. Les signes se multiplièrent, sans jamais trouver de résolution positive. Ces Magiciens, rois et reines, si longtemps mis sur un piédestal, vacillèrent face à la gronde montante et durent se rendre à l'évidence : leur désir de jouer aux dieux, d'atteindre la perfection dont ils avaient toujours rêvé s'était retourné contre eux, vaincu par la cupidité de l'homme et sa propension à tout corrompre au nom du pouvoir. Par lassitude, mais surtout par lâcheté, ils prirent la décision la plus radicale possible : prendre la fuite, ouvrir une passerelle vers un nouveau monde, un monde qu'ils n'auraient créé, où le poids de la couronne ne leur semblerait plus si lourd, un monde miroir, à la fois semblable et parfaitement différent. Convaincus qu'Evermore ne résisterait pas à l'abandon non seulement de ses souverains, mais surtout de ses créateurs, ils s'enfuirent et se jurèrent de ne plus jamais utiliser leur magie pour gouverner. Dans ce nouveau monde dépourvu de magie, forts de cette promesse, ils prirent des identités, des alias que les habitants de celui-ci viendraient à connaître, voire même à admirer. Barrie, Grimm, Perrault, Andersen, et bien d'autres, évoluant à des époques différentes, amenés pour certains à ne plus jamais se recroiser. Ils s'attelèrent à influencer plutôt qu'à contrôler, à raconter des histoires, leurs histoires, peuplées de paysages enchanteurs, de créatures féériques, de quêtes du bien contre le mal, sans que jamais ne soit apposé le nom d'Evermore. Les personnages bien connus de contes et livres furent adaptés, parfois à l'opposé de leur véritable personnalité, de leur véritable histoire. Ils vécurent une vie, sinon paisible, au moins libérés de certaines de leurs contraintes. La majorité fit le choix d'embrasser la mort le moment venu, telle une amie de longue date.

Mais lorsque, épris de curiosité, les deux magiciens restants cédèrent à la tentation de regarder en arrière et découvrir ce qu'il était advenu de cet autre monde, ils découvrirent qu'Evermore avait continué d'évoluer sans eux. Ce monde qu'ils avaient laissé au bord de l'implosion survivait, bien plus qu'il ne vivait, la magie bannie, presque entièrement disparue à l'exception d'Aerendyl, devenue l'éternelle prison de créatures magiques. Les bastions historiques des magiciens, Nighon et Erendieren, portes fermées avec la promesse de ne jamais les rouvrir. Le retour des magiciens, quoique furtif, engendra des conséquences que même eux ne purent anticiper : ramener un peu de leur magie dans ce monde ayant appris à la haïr de toutes leurs forces. Ici et là, sans aucune prédestination particulière, des enfants naquirent pourvus de cette magie et s'ils furent pourchassés et souvent assassinés, une partie survit. La magie fit un retour brutal, se heurta à l'hostilité de siècles à tenter de la faire définitivement disparaître. L'oppression qu'ils avaient subie, la haine réciproque qu'elle fit grandir en eux, poussa certains d'entre eux à se soulever et prendre le pouvoir dans certains royaumes. L'avènement d'une nouvelle ère magique cristallisa à Evermore des siècles d'une guerre entre les détenteurs de magie, et ceux dépourvus de la moindre parcelle.

Dans une dernière volonté miséricordieuse, et avec l'affection de parents pour leurs progénitures, les magiciens à l'origine d'Evermore décidèrent de reproduire avec ces habitants ce qu'ils avaient eux-même réussi à faire : recommencer de zéro, dans un monde où la magie n'existerait plus. Progressivement, ils intégrèrent les habitants à ce monde moderne, dans la ville où ils trouvaient encore résidence mieux connue sous le nom de Londres, jusqu'à tous les intégrer définitivement dans l'espoir, peut-être naïf, d'apporter enfin la réponse à l'éternelle question : nait-on monstre, ou le devient-on ?