@alice beauchamp

Après avoir écumé toutes les tavernes de Caverly Cove et poussé la porte de troquets tous plus miteux les uns que les autres, voilà que Gretel s'autorisait une pause bien méritée sur les toits pour profiter des derniers rayons du soleil. Un bref moment d'accalmie où elle pouvait enfin se permettre de mettre sa défiance et ses armes de côté, tout cela pouvait bien attendre une heure ou deux, le temps qu'il faudrait à cet idiot de Jean pour se remettre de la dérouillée qu'elle lui a mise. La réputation de Gretel n'est pourtant plus à faire, reste que certain se sentent les couilles plus grosses que d'autres pour continuer a douter de sa capacité à les leur faire bouffer. Vu son gabarit, l'on croirait Gretel bien incapable de se battre, encore moins de manier une arme, et pourtant. C'est là l'un des nombreux avantages qu'il y a être elle, à se faire passer pour une demoiselle en détresse personne ne l'a voit venir, ou tout du moins, beaucoup trop tard. Le temps que vous compreniez ce qui vous arrive Gretel a déjà disparue, emportant avec elle votre bourse et votre dignité. Et vous pouvez bien remuer ciel et terre dans l'espoir de lui remettre la main dessus, il y a fort à parier pour que ce soit elle qui vous trouve en premier et vous ridiculise à nouveau. Naturellement, il existe quelques exceptions qui ne se laissent pas avoir par de belles paroles ou une paire d'yeux larmoyants, ceux-là ne se privent pas pour lui donner une leçon et la remettre à sa place - il n'y a qu'à voir le nombre impressionnant de cicatrices qui habillent sa peau. Amos lui répète souvent que son assurance finira par la tuée - peut-être en sera-t-il ainsi, peut-être pas - toujours est-il qu'elle a déjà bien failli lui coûter un œil. Rien de grave, qu'elle clame, mais en la détaillant de plus près on se rend rapidement compte que c'est un peu moins une simple égratignure qu'une balafre qui donne à sa peau un aspect rosé et boursouflée. Estime toi heureuse d'avoir encore tes deux yeux ! C'est ce qu'il y a de plus beau chez toi ! C'était drôle au début, les trois ou quatre premières fois jusqu'à ce que ça lui tape sur le système à un point tel qu'elle préfère attendre qu'il ait rejoint les bras de Morphée pour pouvoir rentrer à la maison un jour comme celui-ci. Gretel n'a même pas cherché a cacher le sang séché sur ses mains, pas plus qu'elle n'a cherché à dissimuler sa présence à Lyra. Elle savait déjà ce à quoi elle avait occupé sa journée et par conséquent, Gretel ne lui ferait pas l'affront de lui mentir en la regardant droit dans les yeux comme elle le ferait avec Amos. Après tout, ce n'est pas la première fois qu'elle lui fait perdre un de ses clients les plus fidèles et certainement pas la dernière. — T'avais promis. Il fallut quelques minutes pour que Gretel s'arrache enfin à sa contemplation du soleil, lorsqu'elle le fit celui-ci avait presque complètement disparu derrière l'horizon. — Pardonne moi ? se hasarda-t-elle en souriant, les mains jointes et affichant l'air le plus innocent possible. — Descends. Alice t'attend en bas. Elle avait usé d'un tel aplomb que Gretel regretta instantanément son caractère impossible et pour toujours réfractaire à n'importe quelle forme d'autorité ; quel exemple lui donnait-elle là si pas le mauvais ? Un soupir las s'échappa d'entre ses lèvres tandis qu'elle retrouvait la terre ferme, le cœur gonflé d'un mélange d'excitation et d'une profonde amertume. Elle aurait aimé ne pas avoir à lui annoncer la nouvelle de cette façon, avoir plus de temps devant elle pour lui dire aurevoir et partir en ayant la certitude que son amie ne la déteste pas pour les dix prochaines années à venir. Mais à quoi bon ? Et pourquoi ? Pour rendre la tâche encore plus ardue ? Les adieux plus larmoyants ? Il est vrai qu'Alice méritait mieux, et pourtant c'est une Gretel fermement résolue qui s'avança vers elle. — Tu en as mis du temps, j'ai cru que Gris t'avais dévorée toute crue. En parlant du loup.... Sa phrase resta en suspend alors que le dit animal trottinait joyeusement jusqu'à elle, pas peu fier d'avoir accompli sa mission. — Alors, par quoi on commence ? Puisque cette nuit serait la dernière, autant qu'elle soit inoubliable.