and still, after all this time, it's still you. @LYLA DRYSDALE ft @JAMIE SINCLAIR

#jalyla

Jamie était sorti hier soir et comptait bien remettre le couvert ce soir. L’objectif était néanmoins bien différent. Ce soir il ne s’agissait pas uniquement de lien social, de boire autant qu’il le pouvait et d’éventuellement terminer la soirée avec une splendide créature. Non, même s’il n’allait certainement pas se gêner pour boire plusieurs verres, ce soir était différent, il s’agissait en quelques sortes d’une investigation. Lyla était de retour à Londres, Eliot en avait parlé à quelques reprises. Pourtant, plusieurs semaines, pire peut-être plusieurs mois depuis son retour et Jamie ne l’avait toujours pas vu. Il avait voulu aller la voir dès la minute où il avait appris son retour, mais ne connaissant pas sa nouvelle adresse et ne souhaitant pas faire l’erreur d’aller la déranger sur son lieu de travail, Jamie avait pris son mal en patience. Cette dernière avait ses limites, s’il n’en avait déjà pas beaucoup en réserve en règle générale, elle était quasi nul dès qu’il s’agissait de Lyla. Volontairement ou non, Eliot lui avait indiqué – alors qu’ils étaient tous les deux à la recherche d’un nouvel établissement où sortir – qu’elle allait régulièrement dans un bar de Westminster en afterwork avec certains de ses collègues. Ce soir serait le soir où Jamie Sinclair ferait de nouveau irruption dans la vie de Lyla Drysdale, où de nouveau, il viendrait tout chambouler. Elle n’allait sûrement pas aimer cela – elle avait de très bonne raison – mais il s’en foutait. Il devait la revoir, une vie sans Lyla n’était pas acceptable, encore moins lorsqu’il la savait habitant dans la même ville que lui. Il s’en était accommodé avant, quand elle vivait à l’étranger, de l’autre côté de l’Atlantique. Ça n’avait pas été facile, mais il avait fait avec. Aujourd’hui, la donne était différente et s’il savait qu’il devrait la laisser tranquille après tout le mal qu’il lui avait infligé, il était incapable de joindre l’acte aux pensées. Il était dix-neuf heures passées lorsqu’il gara sa voiture aux abords du bar. Contact éteint, les deux mains toujours sur le volant, il prit une grande inspiration avant de sortir de sa voiture. On disait de Jamie qu’il n’avait peur de rien, d’aucune situation qu’il osait toujours tout, qu’il était connu pour son audace. Pour autant, à cet instant précis, il était presque tétanisé par la situation. Il se décida finalement à sortir de son véhicule et se dirigea vers le bar. Il y avait de toute façon plus de chances que Lyla ne soit pas là ce soir plutôt que l’inverse. Elle ne faisait sûrement pas d’afterwork chaque soir de la semaine, Jamie allait rentrer dans ce foutu bar, prendre un verre, s’apercevoir qu’elle n’est pas là et repartir aussi sec, voilà ce qui allait se passer. Aucune raison de paniquer donc, juste un verre, dans un nouveau bar. Une centaine de mètres plus tard, il poussait la porte de l’établissement et se dirigea aussitôt vers le comptoir, où il prit position sur un tabouret. Les barmans étant occupés, Jamie se retourna et observa les gens aux alentours. Pas étonnant qu’elle vienne ici en afterwork, le bar était peuplé de connards en costards sur mesure qui se prenaient beaucoup trop au sérieux. « Wankers. » souffla-t-il alors qu’il se retournait vers un barman qui semblait enfin enclin à s’occuper de lui. « A Glengoyne, on the rocks please. » Alors que le barman s’exécutait et lui servait son verre, une silhouette revenant des toilettes et se réinstallant à une table attira son attention. Son cœur rata un, puis deux battements. « Fuck me. » Lyla. Sa Lyla. Le putain d’amour de sa vie. Le palpitant serré, les poings l’imitèrent quelques secondes plus tard alors qu’il dévisageait les hommes qu’elle venait de rejoindre. Si un regard pouvait tuer, celui que Jamie leur jetait aurait pu être considéré comme arme de destruction massif. Il avait toujours été jaloux, possessif diront certains et le temps n’avait pas atténué cette fâcheuse habitude, même s’il n’était plus avec Lyla, même si elle n’avait plus aucun compte à lui rendre, même s’il était le fautif de l’histoire, même s’il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même pour cette rupture, pour cette absence. Il avait merdé et en avait payé le prix, plutôt amèrement. Sans crier gare, elle se leva de nouveau de cette table et sembla prendre la direction de ce qui était l’autre bout du comptoir. Paniqué, Jamie ne savait pas quoi faire : s’enfuir, l’aborder, se planquer. « Can you pour the same drink to the gorgeous lady over there, but put some dry on top please. Cheers mate. » Jamie savait qu’il allait au casse-pipe, il savait que la réaction ne serait pas bonne. La rancœur de Lyla aurait pu s’atténuer au fil des années, mais le fait qu’elle refuse de reprendre contact avec leur groupe de potes après avoir totalement coupé les ponts n’augurait rien de bon. De nouveau, il prit une grande inspiration, se leva de son tabouret alors que le barman s’apprêtait à offrir le verre et traversa le bar à la rencontre du grand amour, celui qu’il avait foutu en l’air entre un mauvais verre de whisky et une paire de seins. « Good evening Lyla. » lâcha-t-il, presque nerveusement alors qu’il prenait place à ses côtés, quelques secondes après que le verre lui soit servi. Putain ce qu’elle était belle. Tellement belle qu’un sourire naïf vint faire son apparition sur ses lèvres de manière bien involontaire. « What are the odds huh ? » poursuivit-il, haussant les épaules et laissant échapper un léger rire pour ponctuer sa phrase. Non, il ne s’agissait pas d’un hasard, oui il l’avait plus ou moins traquer, non il ne le regrettait pas le moins du monde. Il la voyait pour la première fois depuis des années, et, pendant un bref instant, avant que tout se corse, il était heureux, simplement heureux. Qu’elle comprenne ou non qu’il avait provoqué cette rencontre n’avait que très peu d’importance, quoiqu’il arrive, elle avait bien plus grave à lui reprocher que cela. « Can we catch up a bit ? » Non, voilà ce qu’elle allait sûrement répondre, c’était en tout cas la réponse qu’il attendait, celle qu’il méritait. Alors, l’anticipant, il enchaîna rapidement. « Five minutes is all I ask. Pretty please ? » Cinq minutes de Lyla Drysdale dans sa vie, cinq minutes de nostalgie, cinq minutes de cœurs brisés.

Que la journée fut longue. Elle aurait refusé net de prendre un verre s’il avait été question de choisir entre un bain, une bougie parfumée et un verre après une journée banale - aussi banale puisse-t-elle être à la court suprême. Mais l’un des dossiers houleux de la court était à ce jour bouclé ; contre toute attente et à la surprise générale. Alors évidemment, elle n’a pas pu refuser. Sans se leurrer puisque ce n’est pas le genre de la maison de refuser un petit afterwork dans les formes, surtout lorsque ce travail en question s’est achevé à une heure décente et non dans les heures interdites, mais pourtant coutumières, Lyla pose deux coudes sur le comptoir et médite sur la démarche à suivre quant au reste de sa soirée. Elle a déjà sifflé un verre. Normalement elle ne fait plus marche arrière après le troisième si ce troisième n’est pas de la bière - ça n’en est pas, et elle s’apprête à se commander le second que Joe, dans sa grande mansuétude, se propose de lui offrir quand bien même ils savent, tous autant qu’ils sont, qu’on offre pas de verre à Lyla Drysdale. À moins de vouloir faire passer un message, et un auquel elle est généralement sourde et aveugle. Le deuxième ne lui fera aucun mal et elle décidera pendant qu’elle le boit s’il y aura un troisième, donc si elle est plutôt partante pour une soirée avec ses collègues ou s’il est plus sage de rentrer et mourir dans son bain, puis sous son plaid. Les coudes sur le comptoir et le regard avide de ce fabuleux scotch and dry qui n’attend qu’une tranche de citron vert pour atteindre la perfection, Lyla prépare son billet pour l’échange le plus rentable et le plus fabuleux qui puisse exister, mais si elle gagne la boisson, le billet lui reste dans la main. Elle fronce un sourcil perplexe, pas certaine d’avoir tous les détails devant elle et le barman lui fait comprendre que quelqu’un s’est occupé d’elle, pointe l’opposé du comptoir d’un regard distrait et balaye immédiatement la possibilité de plus de détails en se tournant vers un autre client. Elle se tourne à son tour, mais avant d’atteindre l’endroit désigné, ses yeux se posent sur le ‘ bien trop audacieux pour son propre bien ‘ Jamie Sinclair. Entre les battements furieux de son coeur qui déjà n’en peut plus et tout le dédain que lui inspire cette apparition, Lyla comprend immédiatement que le précieux contrôle de sa soirée vient de lui échapper. Lui faut rassembler tout ce qu’elle a d’amour-propre pour ne pas lui claquer un go fuck yourself affuté et évident, mais elle ne peut en revanche pas retenir un   “ Fuckin’ Eliot, ”  vigoureusement frustré, pour ce qu’ils savent tous deux que le mouchard n’est autre que son frère, et que par tous les décrets de loyauté liant un frère et une soeur, ça ne se fait pas. Vexée, elle se tient droite sur ses hauts talons, la pulpe de ses doigts sur le verre qu’elle fixe, mais refuse de prendre par principe et elle se tend davantage à la mention des chances de se rencontrer. Sur le papier, elles sont infimes, mais il a cet avantage d’être incroyablement malin et d’avoir son frère dans ses meilleurs amis, quand bien même elle comptait naïvement sur Eliot pour garder tout ce qui pouvait la concerner. Aussi sur l’implacable logique qui veut que Jamie n’en est pas à vouloir la trouver si jamais elle refusait, tant à lui qu’à leurs amis communs, sa présence. Quelle importance qu’elle soit là ou non ? Elle a tourné la page ; tout le moins c’est ce qu’elle colporte auprès de qui veut bien l’entendre. De l’eau a coulé sous les ponts ; visiblement pas assez. Elle a cessé de respirer pour se prémunir de son parfum, refuse de lui faire l’offrande d’un regard et se mord la joue pour ne pas causer une scène ; elle vaut mieux que ça, et lui ne mérite pas plus que sa plus profonde indifférence, quand bien même elle ne se sent pas capable de purement et simplement l’ignorer.    “ What are the odds indeed. A gazillion bars in the London area and you pick this particular one for a pre-evening drink, isn’t that brilliant ? ”  rétorque-t-elle dans un soupir,   “ Could’ve at least brought Eliot with you for circumstantial accuracy and maximum efficiency. ”  Ça n’aurait rien changé, mais au moins elle aurait pu décharger toute sa frustration et l’ignorer superbement s’il s’était trouvé un autre punching ball à sa portée. Elle repousse le verre qui se trouve devant elle, mais sait pertinemment que puisqu’il est toujours plein, on ne lui en servira pas un autre ; son père lui ferait la peau s’il découvrait qu’elle refusait une si bonne cuvée, elle a été élevée mieux que ça. Elle se passe une main sur les yeux, et toujours pas décidée à se tourner vers lui, décide de jeter un regard sur toute la bande d’avocats et assistants juridiques qui lui froncent les sourcils devant ce type qui sort de nul part, au moins pour eux.   “ Hell no, ”   marmonne-t-elle, plutôt décidée. Parler pourquoi  ? De quoi ? Du temps qui a passé ? La nostalgie des moments passés ensemble ? Tout ce qui est vérolé par le coeur qu'il s'est lentement mais surement employé à briser ? Remuer le couteau bien vicieusement planté pour aggraver une plaie qui ne veut pas se refermer ? Lyla n’est pas idiote à ce point et elle ne lui doit de toute façon pas cette faveur.  Mieux, elle se doit, pour elle-même, de lui refuser ne serait-ce que la moindre forme d’attention. Jamie a eu sa chance, et même s’il ne se trouve personne qu’elle ait aimé plus, sous bien des aspects, il est allé trop loin, et elle n’est la bouffonne de personne.   “ Because that’s usually all it takes, eh ? ”   ricane-t-elle, parfaitement au fait que ce type là, d’une beauté scandaleuse - elle ne le sait que trop et se le reprend dans la figure lorsqu’un moment d’égarement entrainent ses yeux sur sa belle gueule, n’a pas besoin de beaucoup de temps ou de grand chose pour s’attirer les faveurs de toutes les minettes du quartier. Elle sait. Elle en a fait les frais. Elle aurait pu essayer d’être la grande figure mature, prétendre qu’elle ne ressentait plus même un soupçon d’aigreur, mais se trouvait ici la seule personne qui puisse encore la rendre idiote, immature, un rien vicieuse. Une femme reste une femme.   “ First, I can pay for my own drink, thank you very much. Second, do not ‘ pretty please’  me. That kinda sweet talk doesn’t work on me and you should know better. Last, please don’t be ridiculous and ask if we can be friends again or some nonsense of the sort. The people I want to hang out with, I called them already. ”  Elle lui glisse un billet sur le comptoir pour illustrer son premier point, et lui fait la grâce d’un sourire hypocrite, puisqu’il est désormais évident qu’elle en a terminé avec lui.

Comme Jamie s’y attendait, l’accueil n’était pas des plus chaleureux. Il ne fallut pas longtemps à Lyla pour comprendre que la fuite ne venait de nul d’autre que son frère et Jamie, avant toute chose, tenta de protéger son pote. Si lui méritait qu’elle s’énerve contre lui, Eliot, en revanche n’avait rien fait pour mériter le courroux de sa soeur. « If it can help, he didn’t say it on purpose. » Jamie n’avait fait que profiter d’une supposée faiblesse après quelques verres partagés et ce, sans en dire le moindre mot de ses motivations à un meilleur pote qui l’aurait de toute évidence empêcher d’agir comme il était justement en train de le faire à l’heure actuelle. Mais Jamie n’était rien si ce n’était déterminé et lorsqu’il avait une idée derrière la tête il était impossible de l’en dissuader. Il allait toujours au bout, même si les risques étaient nombreux, même si certaines personnes se retrouvaient blessées, il continuait jusqu’à ce que le résultat escompté soit obtenu. Et ce soir, il touchait au but alors qu’il voyait de nouveau Lyla pour la première fois depuis des années, la première fois depuis leur rupture, celle qui l’avait plongé au fond du trou, lui retirant tout goût pour la vie et plantant des pensées sombres dans son cerveau qu’il avait depuis, dieu merci, mis derrière lui. Jamie allait mieux. Il n’était pas passé à autre chose, mais il avait appris à vivre avec cette rupture, à l’accepter. Mais le retour de Lyla chamboulait tout et il était impensable pour lui de ne pas chercher à la contacter de nouveau alors qu’il savait qu’elle était de retour à Londres. Il était comme un addict à qui l’on précisait qu’une dose d’héroïne se trouvait dans son appartement, il avait dû fouiller, partout, à la recherche du précieux sésame. Car c’était bien ce dont il s’agissait avec Lyla, d’une addiction, de cette fille qu’il n’arrivait pas à se sortir de la tête, malgré les années qui défilaient. « Shall we call it destiny ? » Il risqua la plaisanterie sachant très bien que les chances qu’elle se retourne contre lui étaient grandes. Il tentait de dédramatiser une situation qui allait droit dans le mur. « Nah, I didn’t want him to get involved in this, he would’ve stop me. » Parce qu’au delà d’être un pote formidable, Eliot était un superbe frère et aucun frère digne de ce nom ne voudrait d’un mec comme Jamie de retour dans la vie de sa soeur. Il l’avait trop fait souffrir, il en avait parfaitement conscience et si jamais un jour, par miracle, il arrivait à revenir dans les bonnes grâces de Lyla, il savait qu’un autre combat acharné l’attendrait pour recevoir l’approbation d’Eliot. Et, alors que Jamie avec toute l’audace qui le caractérisait venait de demander cinq minutes de son temps à Lyla, elle utilisa ses propres mots contre lui, comme elle savait si bien le faire. Il aurait pu lever les yeux au ciel, s’agacer qu’elle ne le considère que comme un beau parleur, mais, au fond de lui, il savait qu’il méritait chacune de ces attaques. Il n’avait rien volé, il ne faisait que récolter ce qu’il avait semé, des années plus tôt. Prenant sur lui, c’est un regard désolé qu’il lui offrit. « No. Because five minutes is already way more than I deserve. » Il aurait aimé demandé dix, quinze, trente minutes. Des heures, des jours même, mais il savait pertinemment qu’il n’aurait le droit à rien de toute cela et que si jamais il souhaitait faire bonne impression, il devait le faire rapidement, sans tourner autour du pot. « Hold your horses, I was just trying to be polite here. » Le verre, le pretty please, tout cela n’avait qu’un unique but, capter son attention, le temps de quelques minutes seulement, repousser son inévitable départ vers ses collègues que Jamie détestait déjà sans les connaître. Ils avaient la chance d’avoir Lyla dans leurs vies, pas lui, c’était un motif amplement suffisant à ses yeux. « I won’t. ‘Cause being friend with you is not what I want, not anymore. » C’était un prétexte qu’il aurait pu utilisé pour ramener Lyla dans sa vie, parler de nostalgie, du bon vieux temps où ils n’étaient qu’amis, mais ami, Jamie ne pensait plus pouvoir l’être avec elle. Son coeur sautait un battement à chaque fois que leurs yeux se croisaient et à chaque seconde qui passait, il s’imaginait s’emparer de nouveau de ces lèvres qu’il avait tant chéri. Par conséquent, prétendre être ami avec Lyla lui semblait impossible et, plutôt que de servir de faux prétextes, il était prêt à se livrer, faire preuve de sincérité, ce qui lui avait cruellement fait défaut à l’époque. « I wanted to see you to say I’m sorry. Sorry for being a cunt with you, you deserved better than the way I treated you. And there is not a single day that goes by without me regretting the way I behave. » Si seulement elle savait à quel point c’était vrai, jamais elle ne pourrait imaginer les états par lesquels il était passé parce que lui, Jamie, était toujours le mec souriant, le mec à qui tout souriait, celui qui semblait toujours s’en foutre et pouvait trouver une nouvelle fille en claquant des doigts. Un masque qu’il avait continué à arborer ces dernières années, seul Eliot l’avait vu au plus bas, lui seul savait réellement les épreuves que Jamie avait endurées. Et, avant que Lyla n’utilise de nouveau ses propres mots contre lui, il poursuivit. « And no, I’m not just sorry I got caught. I was really in love with you and realized it way too late. » Ça n’excusait en rien son comportement, il le savait. Jamie ne voulait simplement pas que Lyla pense qu’elle n’était qu’une fille parmi d’autres, qu’une fille qui était tombée bêtement dans le piège de Jamie, qu’il s’était joué d’elle du début à la fin. Ce n’était pas le cas, elle avait été l’amour de sa vie, et l’était toujours aujourd’hui. « And it might sounds selfish but I don’t care, I still am : in love with you. » Si dans d’autres situations, ces mots sauvaient souvent la situation, Jamie savait pertinemment qu’ici ce ne serait pas le cas, qu’au contraire, il prenait le risque d’énerver Lyla encore un peu plus en ayant l’audace de les prononcer.

Ça n’aide pas, non, et elle est certaine que ça se voit au moins dans ses yeux. Elle se moque bien de comment il est arrivé là, le problème étant qu’il est là et que c’est visiblement au-delà de toutes ses forces de lui foutre une paix royale et amplement méritée.    “ Shall we call it assholery ? ”  La réponse fuse et ne laisse la place à aucune forme de réaction, pas même un sourire de sa part ; elle est sérieuse et inébranlable à ce point. La juriste dans toute sa splendeur. Elle aborde ce dossier-ci avec autant de recul et de professionnalisme qu’elle le peut puisque c’est là le masque le plus simple à porter, quand bien même s’agit-il d’un problème hautement personnel et qu’elle n’a aucune procédure pour ça. Le ton qui se veut léger et la tentative de dédramatiser la laisse de marbre ; Lyla plaisante toujours avec son coeur et ici, le coeur refuse d’y être. Tout ce qu’elle a de consciente et d’amour propre pilote, et comme lorsque toutes les règles judiciaires s’appliquent, tout ce qu’il pourra dire sera retenu contre lui ; violemment, puisqu’il est de notoriété qu’elle ne connait pas la demi-mesure. On croirait qu’à la connaitre presque mieux que quiconque, Jamie aurait misé sur le silence plutôt que de s’empêtrer dans une conversation qu’elle refuse obstinément d’avoir et qu’il devrait s’épargner aussi au nom du peu d’amour propre qu’il lui reste, mais non. L’audace faite homme est là, devant elle, joue sur les termes, essaye de la jouer cool, d’arrondir les angles, devant le monstre de ressentiment dont il est le créateur.  Elle s’imagine qu’il mise sur ce charme qu’il a d’indéniable, et surtout qu’il doit encore lui faire l’affront de la confondre avec une autre. Qu’il est encore dans cette phase d’espoir hasardeux et téméraire où il croit que quelques mots feront l’affaire, et c’est peut-être faux, mais Lyla s’enorgueille davantage de se l’imaginer et prend ce culot inventé, mais probable, comme une énième raison valable de repousser la moindre de ses tentatives.   “ On that, we can both agree. ”  Jamie Sinclair mérite la guillotine sentimentale. Qu’on découpe ce qu’il a dans son pantalon et qu’on en fasse une porte clef bon pour les boutiques souvenirs. Les cinq minutes de son temps, elle considère qu’elles sont déjà largement passées et perdues, mais une forme de curiosité masochiste s’installe lorsqu’elle ose un regard dans sa direction et qu’il parvient, comme toujours, à la convaincre de continuer quand bien même ses réserves sont absolument limitées, et toutes les barrières dressées. Elle se retient de lui signifier qu’elle n’a pas besoin de politesse, mais plutôt qu’il foute le camp, et de lui demander, avec toute la véhémence que sa présence lui inspire, ce qu’il veut s’il ne veut pas qu’ils recollent les morceaux en tant qu’amis ; la romance est après tout inimaginable. Lyla est gentille, un rien caractérielle, mais gentille, mais elle est très loin d’être stupide et surtout, Jamie lui a enseigné sans le vouloir à toujours se faire passer en premier. Elle accueille ses excuses avec la plus grande distance et un rien mépris. Chaque mot est une flamme qui lèche la pointe de son palpitant, un battement trop fort lui cause une brûlure. Elle l’écoute sans détacher son regard de lui, mais si elle aurait pu composer avec seulement les excuses, prétendre les accepter ou lui dire qu’elle n’a pas besoin de ça, Jamie la perd dès qu’il touche à l’amour et professe ce qu’elle n’aurait jamais cru entendre de lui.  Sa confession arrache son coeur à sa poitrine. Sa main commence à frémir autour du verre qu’elle refuse de boire, ses lèvres se pincent, elle exulte un douloureux soupir dans sa main avant de lâcher furieusement :   “ The nerve.  ”  Mais il reprend et poursuit, et ses yeux se remplissent de tout ce qu’elle cherche désespérément à garder pour elle : tristesse, colère, une once d’émoi, beaucoup d’affliction.   “ Just drive the knife in a little deeper, why don’t you ?  ”  Une de ses mains frappent sur le comptoir et le barman s’arrête pour lui demander si elle a besoin de quelque chose, un air inquiet. Elle repousse le verre qui se trouvait devant elle,  toujours plein et refuse par un silence qu’on lui en serve un autre. Elle ne comprend pas comment en trente secondes de conversation, le type trouve le moyen d’ouvrir de nouveau toutes les plaies qu’elle a soigneusement refermées, ni d’où lui vient le cran d’y déverser du sel. Les larmes ne coulent pas, dieu merci, elle a les nerfs trop solides pour ça et bien assez pleuré pour le passé pour ce type qui croit pouvoir débarquer et dégueuler tout ce qu’il a de plus fourbe en tête juste parce qu’il peut.   “  You’re sorry, and ? ”  finit-elle par lancer en se tournant de nouveau vers lui. S’il voulait joueur au jeu de ce qui fait mal, Lyla avait elle aussi des pions à avancer.   “ Say that to the poor girl that was so in love with you she cooked your favorite food, bought this stupid video game you wanted so much with the last money she had and waited for you the entire night of your birthday while you were too busy fucking whoever that was this time to even shoot her a text. ”  Des anecdotes comme celle-ci, elle en a un paquet. Tous ces petits moments de solitude abyssale, mêlée de craintes justifiées, d’une jalousie qu’elle a tenté de ravaler pour faire bonne figure, et la légion de désillusions, de pardons faciles. Toutes ces choses qu’elle avait gardé pour elle, même après leur rupture et son départ, pas pour l’épargner lui, mais plutôt pour ne pas donner plus de sa dignité en pâture.    “  That’s the girl who needs to hear that, and the one you claim to love even though no one believes a cunt. Thank god, I’m not that girl anymore. I don’t need your apology, let alone your bullshit. I’m way past this.   ”  Elle ne l'est pas, mais c'est au moins ça qu'elle peut prétendre. Débarrassée des toutes les émotions dans ses yeux et dénuée d’agressivité, mais bourrée d’amertume, elle se tourne de nouveau vers le comptoir dans l’espoir que ça suffise à l’écarte ; elle le connait certes, mieux que ça, mais sait-on jamais.

Le regard de Lyla était aussi noir qu’il pouvait être et le ton utilisé, pour le moins glacial. Jamie avait tenté de détendre l’atmosphère et s’était heurté à un mur. « Fair enough. » Il avait apparemment perdu le droit pour ce genre de remarques des années plus tôt, lorsqu’il avait été suffisamment idiot pour briser le coeur de Lyla Drysdale. Il ne s’agissait ici pas de retrouvailles entre deux amis après une longue période sans s’être vus, non, il s’agissait d’une tentative forcée de Jamie de retrouver une place dans la vie de Lyla qui elle, semblait ne plus vouloir avoir affaire avec lui pour le restant de ses jours. Elle l’avait mis oubliettes, était passée à autre chose et n’avait absolument aucune envie que cela change. Jamie, lui, de son côté n’avait pas passé un jour sans penser à elle depuis qu’il la savait de retour à Londres. Il était obsédé à l’idée de la revoir, de la retrouver, d’essayer de s’excuser, de faire en sorte de se faire pardonner qui sait, d’obtenir par miracle, une seconde chance. Des attentes diamétralement opposées qui le frappaient en plein visage à mesure que les secondes découlaient et que mots et regards étaient échangés. Pour autant, il était impensable à ses yeux de s’arrêter après un petit obstacle sur son chemin. Il n’avait aucun doute, Lyla était celle qu’il voulait, celle qui lui fallait, celle qui lui allait surtout. Sa putain d’âme soeur. Et quiconque osait contester cela ne le connaissait pas vraiment, ne savait rien des réels sentiments que Jamie éprouvait à son égard. Car même si cette relation, cette séparation était ce qui l’avait plongé au plus bas, l’avait approché au plus près de la mort, c’était également paradoxalement celle qui l’avait fait sentir le plus vivant, qui lui avait donné le plus envie de vivre et qui, encore aujourd’hui lui donnait envie d’avancer, de se battre. « Well, I’m sorry to bring back painful memories, but I really needed you to hear this. » Oui, il pouvait imaginer à quel point faire revivre les souvenirs de sa trahison à Lyla pouvait être compliqué, mais c’était un mal nécessaire, une étape indispensable à traverser pour qu’ils puissent aller de l’avant. Il avait besoin qu’elle entende ses excuses, qu’elle comprenne qu’il était sincèrement désolé, qu’il regrettait énormément, lui qui habituellement n’éprouvait pas le moindre scrupule. C’était la plus grosse connerie de sa vie et il espérait simplement qu’elle puisse être rattrapée. Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas dans les semaines à venir, ni dans les prochains mois, mais un jour. C’était tout ce dont il avait besoin, d’un peut-être à la fois si simple et si complexe. Il avait juste besoin d’une probabilité, aussi faible qu’elle soit, de quelque chose auquel accrocher son espoir. Les paroles de Lyla étaient néanmoins radicales, sans appel. Il l’avait fait souffrir, il l’avait évolué aussi et la fille qu’elle était devenue aujourd’hui, en partie par sa faute, n’était pas assez naïve pour se faire avoir par de belles promesses, par de plates excuses. Surtout - et c’était sûrement ce qui faisait le plus mal - elle était passée à autre chose. Elle lui expliquait que leur histoire était dans le passée à ses yeux et qu’elle n’avait absolument aucune envie de la ramener au goût du jour. Il n’était désormais plus qu’une cicatrice pour elle, un rappel que tous les Jamie Sinclair de ce monde n’étaient pas dignes de confiance. Le jury avait délibéré et c’était une vie privée de celle qu’il considérait comme son grand amour que Jamie allait devoir son affronter. Ses paroles avaient le goût d’un point final et c’est un Jamie fataliste, inhabituellement privé d’arguments qui tenta de lui répondre. « So this is it huh ? We can’t even have one talk, you’re way past this, you don’t want nothing to do with me, you moved one, you’re the bigger person. Is that right ? Nothing I can say or do will change the way you feel about me or about us, I get it. Have a nice life Lyla. » C’était donc comme cela que terminait leur histoire, après deux minutes et trente secondes de retrouvailles, dans un bar snob, encerclés par des types se pensant plus intelligents qu’ils ne l’étaient réellement, et un verre qu’elle avait refusé de toucher, par principe. Il aurait voulu tout casser, laisser exploser ce mélange de frustration et de colère qui bouillait en lui, mais ne souhaitait pas infligé une nouvelle scène à Lyla. Elle ne méritait pas ça, tout comme lui, ne la méritait pas. Il tourna les talons et se dirigea vers la porte de sortie, mais, après seulement trois pas, fit demi-tour et s’adressa de nouveau à elle. Les clients autour pouvaient bien entendre tout de leur conversation, Jamie n’en avait rien à foutre, seule l’envie de lâcher tout ce qu’il avait sur le coeur primait en cet instant. Jamie Sinclair n’abandonnait pas, jamais. Il se battait, quitte à perdre le peu de dignité qu’il lui restait. « You know what ? Fuck that. Fuck that attitude. Fuck that bitterness. Fuck whatever you think you know. I’m the love of your life Lyla Drysdale, and deep down you know it. I don’t give a shit how many sorries I’ll have to say, how much time you’ll need, but eventually, you’ll accept it, you’ll embrace it. » Parce qu’il ne pouvait pas en être autrement, parce que ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre ne pouvaient pas sombrer sous le poids de quelques erreurs seulement, il ne pouvait pas y croire. Leur amour était plus fort que ça, plus fort que les conneries qu’il avait faites. Il finirait par gagner son pardon, bonne action après bonne action, et enfin, ils pourraient reprendre là où ils s’étaient arrêtés. C’était la seule issue possible, la seule qu’il acceptait.

Well, I’m sorry you’re such an asshole. Jamie est intelligent à ce point qu’il entendra le fond de sa pensée, malgré qu’elle lui fasse la fleur d’arrêter la surenchère. Évidemment lui ne voit que l’anecdote, la survole sans s’y attarder et ne la prend pas droit dans la poitrine comme elle le voudrait. Et évidemment, il ne voit que lui. Il avait besoin de, donc elle a le droit à la claque venue du passé, que ça lui plaise ou non. Lui foutre la paix et arrêter de penser à sa jolie petite gueule ne lui viendrait pas à l’esprit, évidemment, mais pouvait-elle s’attendre à mieux de sa part ? Quand on a été assez naïve pour tomber amoureuse de Jamie Sinclair, roi au pays des coureurs de jupons égocentriques, on est apparemment aussi capable d’espérer un sursaut de bon sens qui ne viendra certainement jamais. À moins que le sursaut en question aille au delà de tout ce qu’elle aurait pu imaginer, mais il est loin d’avoir le bagage nécessaire pour le lui faire croire et elle n’a de toute façon pas dans l’idée de faire tomber le masque de fer admirablement ciselé qu’elle s’est forgé justement grâce à lui. Tournée vers le futur plutôt que vers le passé qui s’entête à venir tirer sur sa manche pour attirer son attention ou vers le présent, qui visiblement commence à s’enorgueillir du peu de concession qu’elle est prête à faire, Lyla pousse un soupir et s’apprête à se commander un verre qui ne sera pas noyé dans le dry, en sentant que c’est là tout ce qui lui faudra pour se remettre de ces deux minutes trente infernales. Elle ne s’attend pas à ce qu’il la ferme et s’en aille, mais pas non plus à ce qu’il ait l’audace de la prendre à revers et de se vexer à son tour. Jusqu’au bout, et c’est au moins ça qui la fait lever les yeux au ciel.  Elle s’entend répliquer à la moindre de ses affirmations par une remarque bien sentie, parfois même odieuse. Lui affirmer qu’effectivement, il n’est rien qu’il puisse dire ou faire qui parviendra à la convaincre de ses bonnes intentions ou au moins à entendre ses excuses qu’elle juge pitoyables en comparaison à tout ce qu’elle a enduré. Qu’il est encore plus bête qu’elle ne croyait de le prendre de cette façon et surtout qu’il n’a pas le droit. Mais pour donner l’illusion qu’elle se moque éperdument de ce qu’il pense et que tout ceci ne l’atteint pas, Lyla hausse les épaules et lâche :   “ Sounds about right to me, ”  d’un ton un rien condescendant. Le court laps de temps où il fait le choix judicieux d’arrêter les frais, débute la douloureuse retrospective. Les prémices de tout ce qu’elle ressassera ce soir, qu’elle le veuille ou non. Le vieux et le moins vieux. Les détails lancinants de ce chapitre nouveau et non désirée à l’ouvrage nommé Jamie Sinclair qu’elle croyait avoir remisé pour de bon ; et tout ce que l’ouvrage en question renferme. Elle arrose toute l’aigreur qui gonfle comme une tumeur à l’estomac d’une bonne lampée de whisky en croyant naïvement que ça suffirait pour le moment, mais Jamie lui prouve qu’il est plus borné que borné en revenant à la charge. Non seulement son coeur fait un bond, mais c’est toutes les tables autour d’eux qui se retournent pour assister à la scène. Ce culot. Elle boit ses paroles, mais se mord les lèvres pour ne pas hurler à son tour. Chaque mot, chaque arrêt, chaque signe de ponctuation, lui frotte les nerfs au papier de verre, pour ce que le type n’a vraiment pas froid aux yeux et se pointe avec toute l’audace du monde, un vrai gamin capricieux incapable de prendre un refus pour réponse. Mais il a surtout l’audace d’évoquer l’amour alors que celui-ci n’a jamais été qu’à sens unique dans leur relation ; sinon comment expliquer son comportement ? Ses écarts, ses excès, son manque d’attention et tous les faux-prétextes je m’en-foutiste qu’il a eu, là encore, l’audace de lui donner à l’époque.   “ My what now ? ”  tente-t-elle de le couper, mais il continue et elle hausse le ton à son tour, incapable qu’elle est de lui laisser le dernier mot.    “ You wish, you arrogant son of a bitch. As. if. ”  L’amour de sa vie, à elle. Pas elle, l’amour de sa vie à lui, non. L’amour de sa vie, à elle. Comme s’il avait son mot à dire sur la question, qu’il n’était question que de ce qu’il voulait pour elle, et peu importe ce que lui ressentait pour elle, ou toutes les autres.   “  Are you so freakin’ full of yourself that you actually believe what you’ve just said ? You’re unbelievable, you fu— ”  Elle est à rien de répondre au feu par le feu, rentrer lamentablement dans son jeu, mais un regard au-dessus de l’épaule de Jamie, droit rivé sur tous ceux prêts à se repaitre de tout le drame qu’ils ont à donner - dieu seul sait qu’il y en a, la force à plus radical.    “ Out ! Out ! Now !  You tosser ! Get the hell out !  ”  Et elle le pousse à l’épaule, droit vers la porte qui s’ouvre sur de nouveaux clients et recrache leurs carcasses sur la chaussée. Elle se passe une main tremblante sur les paupières et la bouche, s’écarte de trois pas pour laisser d’autres clients sortir et les passants se frayer en chemin, avant que la rue ne se vide presque complètement.    “ How dare you ?! ”  Ses collègues sont là, et elle s’imagine bien qu’il s’en moque, mais c’est trop important pour elle. Il est bien des choses qu’elle ne laissera pas passer, et plus particulièrement lorsque Jamie y est mêlé, mais son travail compte plus que tout. D’aucuns diraient trop et à raison, mais il a déjà presque gâché sa première année à l’étranger, avec leur histoire de coeur et toutes les complications qui l’ont éloignée de l’excellence, tout ça pour ces idiotes d’américaines et elle, qui a été assez bête pour se laisser prendre dans ses filets alors qu’elle savait mieux que quiconque. Elle a trop donné et trop sacrifié, et il y a bien trop en jeu avec son boulot et ses satanés collègues qui se sont probablement régalés d’eux, pour tout gâcher sur un cafouillage.  Aussi, elle supporte à peine qu’il puisse parler aussi facilement et librement d’amour, le type n’en sait rien et il n’est à ses yeux personn de moins qualifié que lui pour aborder le sujet ; certainement pas devant elle.   “ What did you expect ? That you could kiss my lips hello with your pathetic sorry attitude ? Things don’t go your way so you throw a tantrum at me like a spoiled child ? Grow the fuck up.  ”  Elle crache le moindre mot comme une insulte. Il a au moins gagné ça : de prodigieusement la gonfler. Pourtant en faisant quelques pas de droite à gauche et noyée dans l’air frais d’un Londres au printemps hostile, elle trouva moyen de revenir à un ton moins énervé, au noms de ces apparences qu’elle a de précieuses.    “ It’s not love, Jamie. It’s lust at best. And even if it’s love, no one believes you. No one. Not our friends, not the one thousand and one chicks you’ve fucked in this decade, and certainly not me. That’s the downside of being such an unbelievable motherfucker. ”  Vont-ils un jour s’arrêter ? C’en est à peine au début de tout ce qu’elle pourrait trouver à lui reprocher, à lui envoyer dans la figure au moindre regard de travers, mais c’est au moins une preuve, si pas cinquante, que ça lui tient beaucoup plus à coeur que ce qu’elle daignera admettre. La fierté à un prix, le pardon est onéreux, et tout ça a pris une importance quasi-vitale pour Lyla Drysdale au fil des années. Jamie, s’il ne le sait pas encore, est sur le point de le prendre dans la figure. Comme quoi, être indiscutablement beau ne fait pas tout, dans cette vie.   “ You’re sorry, I heard you, but if the tables were turned, you would never forgive me. Never. You just wouldn’t. And don’t your dare give me the ‘ but you’re better than me ‘ bit. I swear I’m gonna punch you. ”  Elle est certaine qu’il ne trouvera rien à redire, peut-être qu’elle se trompe, mais vraiment, elle le connait assez pour pouvoir affirmer que si elle l’avait trompée, lui refuserait catégoriquement de même reconnaitre jusqu’à son existence.

Le ton relâché et presque condescendant qu’elle adopte lui fait l’effet d’un poignard en plein coeur. Ce qui est si important à ses yeux ne semble plus qu’être un lointain souvenir dont elle préférerait ne plus jamais entendre parler pour Lyla. Lui, n’a pas réussi à tourner la page malgré les années. S’il n’est plus au fond du trou comme ce fût le cas à un moment donné, Jamie ne peut pas pour autant se voiler la face et prétendre que tout va bien pour lui. Si le doute était permis auparavant, ce n’est désormais plus le cas maintenant qu’il a revu Lyla, tout est limpide : il ne s’est pas remis de leur histoire et quoiqu’elle puisse penser, amoureux, il l’est toujours. C’est sûrement cruel, mais s’il a décidé de plus ou moins recoller les morceaux avec Odessa, c’était dans l’espoir de ressentir de nouveau, avec la folle idée que la seule autre fille pour qui il avait un jour éprouvé des sentiments puisse être celle qui le délivrerait de ce mal qui le rongeait, qu’elle lui permette d’oublier l’inoubliable. Abattu, Jamie est prêt à s’en aller, à déposer les armes, à laisser le dernier mot à une Lyla impitoyable. Mais parce qu’il n’est rien si ce n’est borné, il força une ultime confrontation avec une certitude en tête : cette femme, plus que toute autre, mérite que l’on se batte pour elle. Alors qu’il déballe tout ce qu’il a sur le coeur, qu’il lui fait une déclaration d’amour en bonne et due forme, son rythme cardiaque redescend, se confier lui apportant une certaine forme de paix complètement inattendue. Une déclaration pas franchement accueillie avec les honneurs puisque Lyla se braque aussitôt, lui reprochant un culot auquel elle devrait pourtant être habituée après toutes ces années à le côtoyer. « I don’t wish, I just know. » affirme-t-il alors qu’il soutient longuement son regard. S’il y a bien une chose dont Jamie est certain en ce bas monde c’est qu’ils sont faits l’un pour l’autre, que tôt ou tard leurs chemins se croiseront de nouveau. A ses yeux, ils sont ce que beaucoup de gens appellent des âmes soeurs, destinés l’un à l’autre et rien n’allait se mettre en travers de cela, pas même la mauvaise volonté affichée par Lyla. Il esquisse un sourire alors qu’elle commence à l’insulter avant de se raviser et de le pousser dehors pour continuer cette conversation à l’abri des regards, et surtout, des oreilles trop curieuses de ses collègues. « Easy, tiger. » balance-t-il dans un ton caustique dont il sait déjà qu’il ne sera pas partagé. La réaction ne tarde pas alors qu’elle s’offusque qu’il est le cran de faire une telle scène devant tout le monde, comme ça, après des années. « Yeah, how dare I tell you how I feel ? » Sa réplique est pleine d’ironie, elle qui lui a tant reproché de ne pas être suffisamment honnête avec elle. Aujourd’hui il l’est, peut-être plus qu’il ne l’a jamais été avec personne et de nouveaux reproches remplacent les anciens, comme si aucune de ses entreprises ne seraient jamais suffisantes pour satisfaire Lyla. « I didn’t expect anything. » se contente-t-il de répondre alors qu’elle lui sert un nouveau sermon. « I honestly just wanted to see you because I miss you. And on top of that, I owe you a shit loads of apologies. » C’est sans plan qu’il est venu la retrouver dans ce bar, guidé par sa impulsivité, l’improvisation s’est chargée du reste. Et si, en venant ici, il ne s’attendait pas à ce que tout soit rose, à se réconcilier en l’espace de quelques secondes avant de l’embrasser, il espérait tout de même un accueil un poil plus réceptif, une chance offerte pour la rédemption. Des attentes visiblement jugées trop excessives par Lyla. « It is love. » La réponse est sèche, le sourire a disparu. Jamie ne laissera personne ne douter de la nature de ses sentiments, pas même Lyla. Il l’aime, putain qu’est-ce qu’il l’aime et la voir en douter à ce point ne fait que le tuer un petit plus à chaque fois qu’elle le remet en cause. « And I’m gonna fight for it, I’m gonna do whatever it takes to show you how sorry I am, to show you I am not that prick I used to be. » Ça ne sera pas facile, ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais Jamie est déterminé à se battre aussi longtemps qu’il le faudra. Si son comportement n’a pas changé de manière drastique depuis sa jeunesse, il estime néanmoins qu’il est suffisamment différent pour mériter une seconde chance. L’infidélité, plus jamais il ne ferait cette erreur, plus jamais il ne serait suffisamment stupide pour foutre en l’air quelque chose de si précieux que sa relation avec Lyla. « I’m gonna prove you wrong, all of you. » Elle, leurs amis, tout le monde. Il sait que sa réputation ne joue pas pour lui, il sait que la plupart de leurs amis sont opposés à l’idée d’un second round de peur que de nouveau Jamie ne brise le coeur de Lyla. Il sait aussi que la trahir a été la plus grosse erreur de sa vie et qu’il ne se passe pas un jour sans qu’il la regrette. Quant à la question d’un hypothétique pardon qu’il n’aurait pas accordé si les rôles étaient inversés, Jamie se contente d’hausser les épaules. « Maybe, I don’t know, you don’t know either. ‘Cause let met tell one thing Lyla Drysdale, I’ve been living in a world without you for a few years now and it’s not pretty. It’s not a world I want to live in. » Il ne s’épanche pas davantage sur le sujet, ne souhaite pas évoquer sa période noire suite à leur rupture, sa dépression, ses pensées suicidaires. Non, qu’elle le prenne en pitié est la dernière chose dont il a envie. S’il a traversé des moments difficiles, jamais il ne se positionnera en victime face à Lyla : elle a souffert par sa faute alors que lui a souffert de son propre fait. La présence de Lyla dans la vie de Jamie était une constante d’aussi loin qu’il s’en souvienne, un point de repère, celle qui lui permettait de garder le cap. Alors, lorsqu’elle lui avait été arrachée, Jamie s’était retrouvé déboussolé, un marin en détresse. S’évertuant de retrouver un peu de contenance, il s’appuie sur le mur du bar et se perd dans une énième tentative d’excuses, comme si, en répétant encore et encore à Lyla à quel point il est désolé, elle finira par le croire. « But again, I get why you’re mad at me. All I can do is say how sorry I am and prove you I’ve changed. »

S’il sait, alors.
Inévitablement, lui vient l’envie de lever les yeux au ciel, puisque Jamie sait tout. Il ressent tout, il est omniscient, trop perspicace pour son propre bien, un vrai crack. Vrai qu’il est d’une inégalable détermination, mais il n’a pas l’air d’avoir conscience de l’étendue de leur problème, ou seulement de voir qu’il n’y a pas que ce qu’il veut qui compte ; cela même si Lyla ne sait plus si les battements désordonnés de son coeur réclament de nouveau son amour et ses baisers, ou de lui envoyer son poing dans la figure. Toutefois son ironie lui est un énième motif d’agacement et empêche la balance de ne pas pencher sur la seconde alternative plutôt que pour la première, de moins en moins envisageable ; comme si.   “ Do you even care what I want ?  ”  Le ton se veut calme, mais il est trahi par ses poings clos posés sur ses hanches et sa langue qui claque dans sa bouche. Se doutait-il seulement, après toutes ces années, qu’elle s’était trouvé de l’amour propre ? Une grosse dose, sortie de nulle part, qui ne faisait que croitre depuis, flatté au point de l’étouffer par la réussite professionnelle et personnel, quand bien même sa vie sentimentale se trouvait dans un abîme et qu’elle n’avait aucune envie de l’en sortir. S’il avait la moindre idée de combien elle avait changée, et pas seulement par la force des années et de l’expérience, mais aussi et surtout par la faute de leur relation gâchée, il ne serait pas là, droit dans ses pompes et dans sans ses convictions. Ou peut-être que si, puisqu’après tout, Jamie Sinclair n’est rien si pas le plus culotté de tous les petits enfoirés de la city.    “ I don’t need your apologies. ”  La réflexion fuse, parce qu’elle ne croit pas un seul instant qu’il est venu sans le moindre dessein, à part celui de se montrer et de dégobiller des excuses aseptisées qu’elle est certaine qu’il sort à toutes les nanas qu’il ait jamais vexées, juste pour le principe. Victime de sa réputation jusqu’au bout, même auprès de celle qui était initialement une amie d’enfance, et une qui aurait dû démêler le portrait qu’on se faisait de lui, de l’image qu’il voulait bien donner, de ce qui était vrai. Encore faut-il qu’elle en ait le motif, et elle ne trouve ici rien pour justifier qu’il s’agisse ici d’amour plutôt que de belles paroles. Elle perd patience et autorité lorsqu’il lui rétorque dans le plus grand des calmes que si, il est véritablement question d’amour. Fuckin’ Jamie   “ You’re full of shit. ”  Et face a une telle assurance, elle manque surtout cruellement d’arguments.   “ I know you’re sorry, alright ? I can tell.  ”  Elle lui concède au moins ça, pour l’avoir assez côtoyé et considérer qu’il a, effectivement, largement de quoi être désolé et que c’est un minimum syndical dont elle veut fermement se contenter ; reste à savoir si elle le peut, ce qui n’est pas gagné. Seulement ce qu’elle croit savoir, ne pourrait être plus éloigné de la vérité, et c’est cet entêtement réciproque qui empêche la moindre discussion ; elle le sait bien, mais le bagage entre eux est bien trop lourd à porter.   “ But it doesn’t change anything. I have a life, I’m sure you have an exciting one too, and I promise to be on my best behavior if and when we have to hang out with Eliot, or Reira, or Julian, but other than that, I’d rather leave our relationship, let it be friendship or the so called-love, in the past where it belongs.  ”  Les mots s’échappent sans qu’elle prenne le temps de les mesurer, ou de prendre conscience de la portée de ce qu’elle dit, mais elle est au moins certaine que la spontanéité retranscrit ce qu’elle pense et veut vraiment ; c’est évidemment ce qu’elle croit sur le coup, quand bien même une réflexion ultérieure et une révision de tout ce qu’a provoqué de le revoir forceront assurément la place qu’il a toujours eu dans son coeur.   “ Can you do that for me ? No one’s asking you to prove anything here. ”  Plus simple à dire qu’à faire. Lui a fallu des années pour mettre tout ça derrière elle, et arrête de se lamenter. D’ouvrir la porte à d’autres, même si celle-ci s’est refermée immédiatement à chaque fois qu’on a essayé de la prendre par des sentiments qu’elle a de fragiles. Elle a cru ce mauvais moment de sa vie derrière-elle, mais Jamie est pourtant là, et son coeur n’en bat pas moins la chamade qu’à l’époque. Avant qu’elle ait le temps de réaliser l’ampleur de son emprise sur elle, elle aperçoit heureusement Will sortir du bar, la clope au bec et sa veste dans les mains, et Joe sur les talons qui la cherche du regard jusqu’à la trouver et lui lancer cinquante questions dans un silence lourd de sens.