I am coming, for all the monsters that ever touched you, for all the ones who twisted your stars into shadows. They turned you into a nightmare, so I'm going to be theirs. @FAY MORIARTY

Le menton dans la paume, un doigt tapotant distraitement sur sa pommette, le regard dans le vague. Il offrait à une partie de son conseil un bien piètre portrait, mais en avait assez des pourparlers autour de sujets qui l’intéressait à peine assez pour lui faire lever les yeux de cette table massive en bois d’acajou. Il est surtout incroyablement las de prétendre prendre conseils auprès de qui que ce soit alors qu’il décidait de tout au nez à la barbe de ces pleutres qui s’entassaient autour de cette satanée table ; pour moi, avait quémandé Hook, et ainsi gaspillé l'une des rares faveurs du roi. S’il aurait d’ordinaire été enclin à révoquer ce conseil pour ce soir pour s’en aller quérir la quiétude de ses quartiers, il ne fit rien de cette perspective à savoir qu’il retrouverait ses draps laissés froids par l’absence de sa reine, en affaires aux frontières. Ses doigts ne frappèrent plus sa peau, mais le bois, dérangeant ainsi des conversations auxquels il ne ressentit pas le besoin de se mêler. On lui demanda ce qui le préoccupait autant, et Pan répondit d’un regard noir, soufflant à l’intention de son jumeau sans le lui dire de se mêler de ses bourses.  Et dans un soupir, le roi s’éclipsa sans s’excuser. Jamais.

À des centaines de lieu d’Arynmeren, là où on ne savait plus bien où Nemeree s'arrêtait et Aerendyl débutait, et tandis que là aussi la noirceur de la nuit dissipait l’éclat sanguin d’un soleil sur son déclin, Pann débusqua sa reine, elle aussi en pleine délibérations. Son entourage eut toute la peine du monde à dissimuler sa surprise. Ses apparitions, toujours soudaines, donnaient naissances à un large éventail de réactions, mais la surprise était toujours bien là. Le temps y avait mêlé de la crainte, parfois même de l’horreur, puisqu’à Aerendyl plus que nul part ailleurs, l’on craignait que le ciel s’enflamme de ses légendaires colères et que le sol s’effondre sous celles de la fée qui se tenait, resplendissante, devant lui.  Souriant de malice lugubre et un regard rivé sur Cora, Pan s’avança d’un pas :   “ Leave. ”  L’ordre, aussi sérieux que la couronne qu’il portait, déconcerta davantage la petite assemblée qui après une seconde de contemplation troublée, s’en alla dans un tourbillon d’agitation ordonnée et une collection de ‘ oui, votre majesté. Son souffle traina longuement dans sa nuque, où il finit par déposer un baiser aérien une fois assuré qu’il ne se trouvait plus personne pour se régaler de la beauté de cette union. S’il ne cachait rien de tout l’amour qu’il portait à Cora, il était en revanche capricieux sur leurs apparitions, furent-elles devant une large assemblée ou comme c’était le cas ici, un comité restreint. Il aimait l’idée que la rareté de ces apparitions communes insufflait à leur couple toujours plus de prestance, et de quoi donner à imaginer au peuple. Immédiatement distrait par son parfum, il s’attarda un moment entre son cou et son oreille, ses boucles blondes légères dans ses doigts, obnubilé qu’il était par l’idée de couvrir la moindre parcelle d’elle de baisers, mordre la peau fine et fragile de sa nuque, dévorer sa bouche.   “ Good evening, my queen,  ”  marmonna-t-il simplement, avant de la contourner, non sans laisser trainer ses lèvres sur les siennes pour le plaisir de. Il s’installa à sa table comme s’il y avait été convié, animé par l’audace de ces rois qui mettent les pieds sur la table et portent leurs couronnes de travers. Quelle importance, puisqu’il n’y avait qu’eux. Il se tenait droit dans ses bottes, impeccable dans sa veste et l’auréole royale parfaitement lustrée dans ses cheveux, ça toute la journée durant. Cora bénéficiait seule de celui qu’il était dans l’intimité, lorsque la couronne redevenait un bibelot sur sa table de chevet et sa veste superflue sur ses épaules.   “ Found myself excruciatingly bored, ”  étaient d’autres mots pour lui dire qu’elle manquait à ses songes tourmentées. Qu’aujourd’hui plus que tous les autres, il n’envisageait pas de se coucher dans un lit où elle ne se trouvait pas. Et certes, il s’ennuyait. Outre Nemeree qui demandait plus qu’elle ne donnait, Pan s’ennuyait de ne pas trouver Cora à Arynmeren dès qu’il en avait envie, à tel point que la nuit précédente l’avait amené à débusquer le garçon perdu au lac sur la pointe la plus au nord de Frostväll, tout cela pour se divertir ; et même pour ça, Lancelot ne suffisait plus.   “ Is our good old Clarion still alive ? ”  Autrement serait sensationnel. Le titre était volontairement ignoré, Clarion n’était pas plus une reine que la grosse dame qui vendait ses sardines chaque matin sur le port d’Oceria et Pan, qui lui avait refusé l’honneur d’une alliance, ne lui donnerait pas davantage la gloire de reconnaitre ce titre de contrefaçon. Il jeta à sa femme un regard chargé de faux espoir et de malice, puis haussa les épaules.   “ Pity. ”  Pas pour très longtemps, compte tenu des projets funestes qu’ils avaient pour Aerendyl et tout son peuple.

Il existait, aux abords de la frontière entre Aerendyl et Nemeree, un endroit méconnu de bien des gens et qui abritait pourtant ce qui, à bien des égards, ressemblait à un véritable conseil de guerre. Mais dans l'immense pièce où elle avait élu ses quartiers, Cora n'était entourée que de conseillers. Ni militaires, ni soldats, pour ce que leurs compétences ne lui seraient à cet instant précis d'aucune utilité. La discussion s'étirait en longueur, et sa patience déjà très limitée trouva une nouvelle halte. Rupert, l'un de ses principaux conseillers, monopolisait la parole depuis cinq bonnes minutes, se répandant au passage en bien des excuses qu'elle balayait d'une main agacée. Rupert était incapable de la regarder directement dans les yeux, ne put-elle s'empêcher de noter avec satisfaction. Sans doute parce que son prédécesseur avait fini, d'après les rumeurs, écorché vif pour s'être opposé à une décision de la Reine. La vérité n'était pas tout à fait exacte – toute amatrice de violence qu'elle était, elle n'aurait jamais pris de dispositions aussi radicales à moins de vouloir marquer un point, et elle n'accordait pas assez d'intérêt à ses conseillers pour en arriver là – mais la réputation la précédait. « Rupert, how do you feel about having a tongue ? » demanda-t-elle froidement en l'interrompant. Il balbutia quelques mots, visiblement pris de court par la question. « I asked you how you feel about having a tongue. » Son conseiller balbutia à nouveau, quelque chose dans le goût de je ne suis pas sûr de comprendre, ma Reine. Elle posa un regard impénétrable sur lui et haussa un sourcil. Elle tourna sa main d'un geste rapide, et Rupert tenta de lutter contre la magie l'enveloppant, et cette langue qui tentait de s'extirper de sa bouche, manquant suffoquer dans le processus. Cora relâcha sa main et il reprit son souffle, le visage rougeâtre, les yeux exorbités. « Next time you bring bad news, you won't have a use for it anymore. » Elle avait prononcé la menace sans avoir besoin d'élever la voix, et personne n'osa répliquer quoi que ce soit. Prête à poursuivre les discussions, elle s'interrompit en sentant l'apparition de Peter dans son dos. Cora n'avait jamais su si c'était son amour pour lui, ou le fait d'être sa fée attitrée, mais elle avait toujours été capable de sentir ses apparitions et disparitions à proximité d'elle. Et en effet, le timbre de sa voix résonna derrière elle lorsqu'il ordonna à ses conseillers de partir. Ils marquèrent un temps d'hésitation, jetèrent un regard à Cora qui hocha imperceptiblement la tête. Ils s'excusèrent et disparurent avec plus d'entrain qu'ils n'avaient mis à venir la retrouver. Elle sentit la pression de ses lèvres, infime, contre sa nuque et ferma les yeux comme elle le faisait chaque fois que leurs peaux se touchaient. Il n'y avait bien que dans ces moments-là qu'elle laissait entrevoir un mince fil de fragilité, et Peter était le seul à avoir droit à ces quelques moments volés, loin du regard des autres. La pudeur de leur couple, si elle servait parfois à renforcer leur aura de puissance, était surtout destinée (au moins pour elle) à préserver sa faiblesse du regard des autres. « My Council wasn't over » commenta-t-elle en retour, d'un ton égal, d'où ne perçait pas la frustration qu'elle éprouvait pourtant. Celle-ci fut remplacée presque instantanément au contact de ses lèvres sur les siennes. Il finit par s'asseoir à la table et elle frissonna à sentir son regard sombre posé sur elle. Ses lèvres esquissèrent un mince sourire à sa remarque. « This is not what I head. It seems that you received a warm welcome in Frostvälli. » Il n'y avait que dans ces moments de rare vulnérabilité qu'elle se laissait aller à un rien de passif-agressif, profondément nourri par la jalousie des autres, la peur de le voir lui échapper si elle ne faisait pas attention. Cora s'assurait d'avoir toujours un œil partout, et si Peter était particulièrement doué pour lui échapper, elle supposait que d'avoir appris sa présence là-bas n'était pas un accident, et que Peter avait concédé l'information sans le dire ouvertement. « I don't like it when you're elsewhere. » Loin d'elle, avait-elle voulu dire avant de se reprendre, mais elle aurait tout aussi bien pu l'admettre, pour ce que ça aurait changé... D'un geste souple, elle se leva de son siège et se dirigea vers lui, la démarche féline. Elle s'installa sur ses genoux, ses bras s'enroulant autour de sa nuque et ses lèvres flirtant ostensiblement avec la ligne de sa mâchoire. Elle se tendit légèrement à la mention de Clarion, et se recula pour plonger son regard dans le sien. « For now » confirma-t-elle, le dédain perceptible dans sa voix. « I underestimated her. Even my magic wouldn't be enough to get through Faesallor. But I have no doubt that I'll find a way. Eventually. » Et elle insista volontairement sur le fait qu'elle serait l'actrice principale de la chute de Clarion. Parce qu'il s'agissait de son combat à elle, et qu'elle tenait à le mener jusqu'au bout sans l'aide de Peter, comme pour se prouver qu'elle était capable de chasser ses démons sans l'intervention de qui que ce soit ; comme pour se prouver qu'elle était assez puissante pour le faire. Démonstration d'égo, mêlée au besoin viscéral d'obtenir une revanche à la hauteur de toute la haine que la reine des fées lui inspirait. « What news do you bring, my love ? You say you're bored but I have a hard time believing you haven't found a distraction. »

  “ Your what ?  ”  Il échappa un rire narquois, à réaliser qu’elle s’entourait de tant de sots et d’incapables. Pas qu’il fasse beaucoup mieux auprès de son propre conseil, mais il avait au moins l’assurance d’une loyauté infaillible en ses frères.   “ I don’t care. ”  précisa-t-il, quand bien même Cora le connaissait bien assez pour le avoir. Il donnait un ordre on s’exécutait, point. Son autorité ne souffrait d’aucune contestation, pas même celle de sa propre femme, et il n’avait que faire de ce qu’elle tramait dans ces bois si cela allait à l’encontre de ses désirs ; il avait en l’occurence envie d’elle, ou au moins de sa compagnie, le conseil attendrait qu’il ait terminé son affaire. La mention de Frostväll aurait pu contrarier ses plans, mais il ne marqua ni surprise, ni inquiétude, et se contenta de la dévisager, un sourire goguenard sur les lèvres.   “ Caught red handed. ”  Il aurait été fou de croire qu’elle ne saurait rien de son escapade, mais ils étaient si peu à l’avoir aperçu et pas beaucoup plus à savoir qu’il s’était déplacé dans l’écrin d’ Evermore qu’il ne parvint pas à bien à déchiffrer par quel procédé miraculeux Cora était parvenue à obtenir l’information. Quand bien même, Pan ne se justifiait de rien, ce pourquoi il garda pour lui les motifs de sa visite à Frostväll, entre ennui et curiosité de voir comment s’en sortait un Lancelot sur verglas. Il manqua de lui rétorquer qu’il se trouvait peu de chose qu’elle aimait dans cette vie, mais il était du même acabit, si pas pire. S’il était criblé de défauts, il n’y en avait aucun qui puisse tenir tête à la jalousie de sa femme, quand bien même il n’avait jamais donné à matière l’alimenter. Pan était bien des choses, mais un homme infidèle n’en faisait pas parti, et s’il se trouvait bien des rois qui planquaient leurs maitresses derrière leurs reines-vitrines, Pan n’était l’époux que d’une. Il la laissa s’installer sur ses genoux et déposa immédiatement une main gourmande sur le sien, où il avait trouvé une ouverture dans sa large robe, et une autre le long de sa colonne. Pan vivait précisément pour ces moments volés, loin du tumulte et du poids de la couronne.   “ Then wrap up those meaningless gatherings of nitwits, my darling. I’d love nothing more than to have you keep a weather eye on me day and night. ”  souffla-t-il dans sa nuque, promettant sans le lui dire ouvertement que son seul commentaire et les petites menaces sous-jacentes ne suffiraient pas à le cantonner aux murs de leur palais. Il était d’une inimitable insolence, semblable sur cet aspect au moins à un enfant, et un particulièrement turbulent ; il compensait avec un sourire, des baisers le long de l’épaule, et une main remontant à feu doux plus haut sur sa cuisse, jusqu’à chercher le début de ses fesses et la rapprocher de lui plus qu’elle n’était déjà.    “ Mmhmm  ”  commença-t-il, distrait par tant la jolie miche dans sa main que les arômes fruités qu’elle dégageait.    “  I’d say you could use the ressources of our allies, or my own assistance if you want to keep this interesting, but do I really want to lose my time and saliva in this pointless matter when I can use both some other way ?  ”  Absolument pas.  Il laissa trainer ses lèvres sur les siennes, couronnant uniquement sa commissure d’un baiser évocateur. L’alliance avec Nighon devait après tout fonctionner des deux côtés et s’il s’était délibérément caché de ses véritables intentions auprès d’Erendieren, notamment d’avoir été le coup de pied fulgurant au cul du roi de Nighon pour lancer des hostilités depuis trop longtemps retardées, l’heure était venue de faire les comptes avec la nation de l’ombre.  Sa bouche retrouva son cou, jusqu’à glisser jusqu’au préambule de sa poitrine, annonçant l’entrée en matière de deux de ses centres d’intérêts les plus charmants. Qu’importe les nouvelles, Cora était délicieuse à ce point qu’il ordonnerait au monde de s’arrêter de tourner pour profiter d’elle s’il le fallait.   “ I told you, I was bored. So I came where the real fun was,  ”  fit-il, un rictus carnassier sur la bouche qu’il vint déposer sur la sienne.   “ One small detail, though. ”  Évidemment, ça ne pouvait pas durer. Son regard, jusqu’ici délecté par tant d’effleurements et de simagrées se mua en quelque chose de résolument plus sombre.   “ I’m going to give you another reason to move violently forward with whatever you’re planning for this joke of a land :  James had a very interesting encounter this morning at Arynmeren. Clarion herself came and asked for a moment of my time. ”  Voilà qui alimenterait la fournaise, et il ne le savait que trop. Il appuyait à l’endroit où la plaie ne cicatrisait jamais en mentionnant Clarion et davantage auprès de lui. Un homme conscient n’aurait jamais pu, mais Pan ne connaissait aucune morale et il savait que Tink le lui rendrait mille fois si elle y était un jour amenée.    “ See that’s what she does when you’re not around, ”  et s’il était plus que capable de gérer la reine des fées, ou au moins de lui échapper s’il le devait, il ne put s’empêcher de se prétendre offensé par l’absence de sa reine à son côté dans ce moment.  Clarion avait accepté dans le calme l’augure d’une vengeance prochaine, et il douta qu’elle était assez bête pour lui revenir avec un nouveau compromis entre leurs deux nations en se sachant condamnées à subir Nemeree, ça uniquement par sa propre faute. Le conflit entre Aerendyl et Nemeree subsisterait, bien au-delà du bien de leurs sujets - qui n’avaient de toute façon aucune importance pour Pan, simplement parce que sa reine auto-proclamée méritait une forme de procès d’une brutalité sans pareil de leur part.  Il fallait immanquablement que Clarion paie et s’il avait volontiers concédé cette guerre à sa femme pour cette fois, il n’en resta pas moins qu’il ne se départirait pas de l’occasion une seconde.    “ Take care of this, my love. I want you to have your revenge, no one deserves it more, but if she throws herself at me once more, I’m gonna stop fucking around and rip the skank’s head clean with or without your approval. ” 

Elle laissa échapper un soupir, témoin d'un vague agacement au commentaire de Pan. Certes, son conseil avait moins fière allure que celui du roi – encore heureux, auraient estimé certains – mais il n'en restait pas moins son conseil, quoi qu'il en pensât. « I'm not surrounded by the best and brightests, I'll give you that » concéda-t-elle du bout des lèvres. De fait, son conseil en était un d'illusions, un écran de fumée pour laisser croire que Cora ne prenait pas les décisions seule, voire après discussion avec son époux. Peut-être que parce que ses décisions n'impliquaient pas le futur de Nemeree, seulement le sien... et ceux de quelques personnes triées sur le volet, qui auraient le déplaisir de réaliser, trop tard, que la fée de Faesallor n'existait plus. « I know you don't. » Parce que Pan était au moins aussi mégalomane qu'elle, et s'estimait au-dessus de tous. Au moins un trait qu'ils avaient de commun, et pas le plus négligeable. Elle esquissa un sourire froid, masquant sans grand succès la fureur de sa jalousie à l'idée de le savoir ailleurs. Loin d'elle, où que cet ailleurs se trouve. Peut-être dans d'autres bras, pour ce qu'elle en savait, pour tromper l'ennui, ou bien se rassurer sur sa capacité à rester toujours indépendant. Elle en aurait été incapable ; Cora avait compris bien des années plus tôt qu'il n'y aurait d'autre homme que lui dans sa vie, avec tous les inconvénients que cette certitude engendrait. « Not quite. Had you really been, some heads would have rolled on the floor. Mostly women's. » Parce que Cora était jalouse, mais surtout impitoyable et, lorsque gonflée de colère, parfaitement impulsive. Méconnaissable, aurait-on dit d'elle, car elle était d'ordinaire capable d'une rare maîtrise de ses émotions, dont ne se dégageait que la froideur et la condescendance. Mais lorsqu'il s'agissait de la seule personne capable de faire battre son cœur autrement que pour la haine qu'il inspirait, le sens commun s'éclipsait au profit de la rage sourde. Les mains baladeuses de Pan lui arrachèrent un frisson d'excitation et elle se laissa faire sans répliquer, trop heureuse de l'attention accordée et d'un autre de ces moments volés. Personne n'avait autant conscience qu'eux du poids de la couronne sur leurs têtes, et des sacrifices qu'elles requéraient. Oh, naturellement, la culpabilité ne les étouffait pas, et il y avait bien longtemps que la morale avait cessé de s'immiscer dans leurs décisions, mais ils n'étaient jamais plus humains que lorsqu'ils étaient ensemble et le rappel pouvait être douloureusement rare. « I don't need anyone's help » trancha-t-elle, le ton doucereux mais l'intonation ferme. Clarion était son objectif à elle, tandis qu'elle laissait à Pan le soin de traiter de... tout le reste. Tout ce à quoi elle ne goûtait pas, à commencer par son déplorable sens de la politique. Cora ne jouait pas à être autre chose qu'une reine de coulisses, qu'on exhibait lors d'événements mais agissait généralement dans l'ombre, et seule de préférence. Ses combats, elle les menait sans l'aide de personne par principe et même Pan n'aurait su faire exception à la règle. Elle s'adoucit à ses baisers, ses doigts caressant ses cheveux avec tendresse. « Real fun... I like the sound of that. » Et elle l'aurait entraîné sur la table de son conseil où les idiots se trouvaient précédemment sans la moindre hésitation, s'il n'avait pas poursuivi. Ah, ce fameux mais, qui prenait toutes les formes possibles et imaginables mais une seule conséquence : la désapprobation glacée de la fée. Elle se raidit, imperceptiblement, retira sa main des cheveux de Pan et se dégagea rien qu'un peu, laissant sa peau hors de portée de ses lèvres. « Pray tell » l'enjoignit-elle froidement. Elle le laissa raconter sa rencontre avec Clarion sans rien montrer de l'affliction que la nouvelle provoquait en elle. Pour toutes les faiblesses qu'elle était capable de lui concéder, de laisser entrevoir auprès de lui, et seulement de lui, il en était une qu'elle refusait ouvertement d'exhiber. La plaie était trop profonde, trop longtemps creusée dans sa poitrine, et tous deux le savaient pertinemment. La mâchoire contractée, et agacée tant par la nouvelle que par la réaction de Pan, elle se leva de ses genoux et fit quelques pas dans la direction opposée avant de s'asseoir en bout de table. « Who would have thought she'd be that... bold. I mean, surely she knew there was no way in hell that you'd side with her » murmura-t-elle, pensive. La reine des fées, toute ennemie fut-elle, ne manquait certes pas d'intelligence, et son instinct de survie prévalait sur tout le reste. Cora pouvait anticiper une partie de ses actions, mais certainement pas toutes, et elle se trouva là particulièrement agacée. « No you're not. » La réponse cingla, avec la même froideur qu'elle aurait utilisée auprès de n'importe qui d'autre. Elle haïssait Clarion à ce point, assez pour être aveuglée par le besoin de vengeance même avec Pan. « She's mine and mine alone. And I'm guessing by now she's learnt her lesson, I doubt she'll try to strike another alliance with Nemeree anytime soon. » Là-dessus, elle ne concèderait rien, pas même à Pan. Et ils le savaient tous deux, elle était l'une des rares ennemies à sa taille, tant en terme de cruauté que de puissance, si bien qu'il était préférable pour tous de les voir s'aimer, plutôt que s'opposer à l'autre. « And sheer violence won't cut it with her, we both know that. But don't you worry, my love. I've already started infiltrating her ranks, and Faesallor will fall. Soon. » L'affirmation ne souffrait d'aucune réplique. Elle revint vers Pan avec une lenteur mesurée. « Don't you trust me to get the job done ? » susurra-t-elle à son oreille, qu'elle mordit doucement. « When have I ever disappointed you? » Ses lèvres se fendirent d'un sourire carnassier, avant de trouver le chemin de sa mâchoire puis de celles de Pan. « God I've missed this. » Eux. Dans l'intimité de leur couple, là où alliances politiques et rétribution perdaient toute importance.

  “ Come on, love, you know I’m not one of those. ”  Et pas parce qu’il craignait sa femme, bien loin de là, mais plutôt parce que ses intérêts ne pouvaient être plus éloignés de ces plaisirs qui trompent et aveuglent les hommes. Pan ne montrait que peu d’affection pour les femmes, moins encore pour tout ce qu’il pouvait faire avec elles, et puisqu’il fallait une exception à tout, il avait épousé la sienne.  Il était au moins idéal sur ce point, en tant qu’époux et en tant que roi, qu’il était dénué de ce vice qui entrave habituellement le bon jugement de l’homme. Lui ne voyait que par elle, et elle seule, et malgré qu’il soit plutôt ouvert à ce sujet et qu’il s’agisse là d’une des grandes évidences de son existence, son ego parviendrait toujours à se satisfaire de la jalousie maladive de sa femme. S’il portait bien des titres, il était au moins aussi fier et prétentieux d’être celui dont le coeur appelait celui de Cora. Occupé à un effeuillage flâneur et minutieux, Pan se laissa volontiers séduire par sa moitié et tout ce qu’elle avait à offrir, pendant que lui délivrait les nouvelles et les conseils dont elle ne voulait pas. Il échappa un éclat caustique, pour tout ce que cette situation trainait en longueur. Combien cela en devenait ridicule, au moins selon son impitoyable jugement, et combien de temps faudrait-il qu’il tolère qu’elle tourne autour de cette satanée Aerendyl plutôt que de se rouler dans ses draps. Il continua à chercher sa peau du bout des lèvres, alors que Clarion faisait irruption dans leur interlude, et laissa une griffe sur sa cuisse qui se dérobait à sa main pour tenter de s'en rapprocher de nouveau, avide qu’il était de l’avoir toujours entre les mains. Un grognement frustré s’éleva alors qu’elle s’était levée et échappée à son étreinte et en bon amant frustré, Pan lui adressa le plus noir des regards avant de mettre les pieds sur la table.    “ Apparently she was full of this dull thing they call hope.  ”  Il éclata d’un rire sinistre. L’espoir, la forme de magie la plus pitoyable et rien de plus qu’une fable selon lui, dont la vie avait laissé peu de place à ce fameux espoir. À la clef d’un espoir, la déception. Pan n’avait ni le temps ni la patience pour ces idioties.   “ She must’ve thought I wasn’t aware of the role she played, once upon a time. ”  Et quelle idiote elle faisait. Pan s’était employé à lire toutes les notes, tous les journaux de son père. Il s’y était longtemps égaré, entre aversion pour l’homme et la folie de découvrir les dessous honteux de la politique et pas seulement celle de Nemeree, mais de tout Evermore. Il avait donc développé davantage la haine rutilante qui était déjà là pour la reine des fées, après avoir appris qu’elle avait ordonné le coup d’état qui avait emporté un père, et bien plus. Il s’était trouvé un parfait motif de discorde, une raison de la prendre à la gorge et de l’enterrer au nez et la barbe de ses fidèles ; pourtant il s’était astreint à un silence de médisance pour sa reine, qui en plus de se soustraire à son étreinte et le priver ses désirs, se prenait l’audace d’ordonner à un roi.    “  Do not give me orders, ”  Le ton s’élevait. D’une mesure à peine, trois fois rien, mais il était aussi agressif que s’il s’était trouvé devant quelqu’un qui n’était pas elle - lui rendant ainsi l’honneur d’oublier qui ils étaient l’un pour l’autre le temps d’une mise au point. Clarion ne parviendrait pas à les diviser, jamais, mais elle avait au moins le mérite de provoquer des émules au sujet de sa mort imminente, dans ce couple qui jamais ne devrait se déchirer, pour l’amour d’Evermore.  Peter n’acceptait l’autorité de personne, pas même celle de Cora. Il n’avait pas arraché tête et couronne à son père pour entendre sa propre femme lui dire ‘ non ‘ et ainsi entraver sa volonté, ou tenter de.   “ She came into MY castle, and had a little talk with MY brother. While I do not care about her parading around like she owns the place, thinking she can get some kind of a deal out of me, I get quite tense about her getting this close to my twin brother. ”  Pan avait des limites très aisément franchissables, mais il ne se trouvait rien qui puisse le mettre plus hors de lui qu’une menace planant au-dessus de ses frères. Les conséquences d’une vie à s’accrocher plus que tout à son jumeau et au dernier, à défendre coûte que coûte ; Pan abhorrait l’idée que Clarion puisse ne serait-ce que poser un regard sur eux, après avoir donné l’ordre de leur prendre l’héritier légitime. Et si Cora était incapable de comprendre qu’il avait viscéralement besoin de ses frères, et du coeur de Clarion dans une boite qu’importe qu’il ou elle soit celui à l’y mettre, pour s’assurer qu’elle ne ferait pas le coup une seconde fois, oh well.   “ Who do you think I am ? You think I’m gonna let this transgression slide because my wife said so ? You must’ve me confused with one of your pawns, love, but I. am. King. I didn’t ask for permission here. Do not tell me what I can and can’t do. ”   Pan était une colère brûlante, là où Cora contrastait dramatiquement par ses regards et ses répliques glacées. Il avait le ton des barbares, le regard des meurtriers, et était aussi capricieux et impulsif qu’on puisse l’être ; un enfant dans un corps d’adulte, armé d’une couronne, d’une épée et de magie noire. Pourtant ici, il était encore plutôt mesuré, ni totalement calme, ni en colère.  Il s’était levée, nonchalant sur ses jambes et s’était joint à elle à mi-hauteur de la table, une main dans sa nuque, son menton entre le pouce et l’index.   “ I like your methods, sure. The passion, of course. The ambition, the plan, the desire, you — Oh!  that I love most of all. ”  Il déposa un baiser sur ses lèvres pour le prouver, s’il y avait besoin.   “  But I want her dead, and I want it now. The how is up to you, sure, as long as she stays away from James and John. If and when she crosses this fine line, oh well … ”  Le menace traina d’abord sur ses lèvres, puis s’envola dans un soupir d’ivresse et dans l’anticipation de tout ce qu’il ferait à Clarion si elle avait a dessein de lui enlever son propre sang, ou ne serait-ce que de le faire couler une autre fois.   “ I do trust you, my darling. I’m just burning with impatience.  ”   Et il n’y avait là aucune surprise : Pan voulait tout, et le voulait tout de suite. Pourtant il laissa volontiers Clarion sur le côté maintenant qu’il avait retrouvé sa femme à portée de lèvres, et laissa un ricanement se perdre dans sa nuque.   “ This ?  ”  Il fit glisser une main baladeuse sur ses hanches, l’autre sur le décolleté, que ses lèvres et sa langue vinrent ensuite trouver. Elle bascula dans ses bras, ses cuisses autour de sa taille, et un battement de cil les transporta sur la table, lui au-dessus et déjà en recherche de la peau nue sous son jupon.   “ or this ? ”   Un sourire goguenard sur la bouche, il se pencha vers elle pour lacérer les maigres haillons qui séparait sa peau de la sienne, mais sentit une présence se rapprocher à quelques lieux. Pas assez proche pour pouvoir saisir un fil de pensée, mais assez pour être ressentie.   “ Someone is coming,  ”   grogna-t-il, encore une fois troublé dans sa jolie récréation.

Elle répondit d'une moue méfiante, son mode de réflexe par défaut dans un monde où personne, ou presque, ne trouvait grâce à ses yeux pour s'octroyer un semblant de sa confiance. Très libérale quand il s'agissait de dispenser sa colère et sa jalousie, Cora était en revanche étonnement fermée lorsqu'il fallait placer sa confiance en quelqu'un d'autre, même si ce quelqu'un était son époux et qu'il ne lui avait jamais donné la moindre raison de douter de lui, ou de sa fidélité. Le problème venait d'elle plus que de lui, de tout ce à quoi elle avait du se résoudre pour survivre dans un monde où elle avait à peine survécu, et uniquement par un hasardeux concours de circonstances et un brin de chance. « I know » souffla-t-elle enfin, sans pour autant s'excuser de mettre en doute sa parole. Tous deux savaient pertinemment que la moindre incartade du roi sèmerait la discorde dans un couple qui, de par leur position et leur puissance respective, ne pouvait se permettre de se diviser quand bien même Pan s'en défendrait en revendiquant encore et toujours sa position, comme si le fait d'être roi le préservait de l'ire de son épouse dont il ne savait que trop bien qu'elle était capable d'aller si ce n'est plus loin, au moins aussi loin que lui dans la vengeance. Clarion en incarnait un parfait exemple, quand bien même elle était la source de bien trop de tensions dans un mariage autrement idéal (pour eux, du moins). « You know what they say about hope. It breeds eternal misery » déclara-t-elle d'un ton égal, absolument pas émue par le sort qui serait réservé à la Reine des Fées sitôt que Cora serait en mesure de lui mettre la main dessus. Une tâche qui s'avérait plus ardue qu'elle ne l'avait anticipée, comme si d'avoir passé tant d'années auprès des humains lui avait fait oublier à quels moyens retors les fées pouvaient se livrer pour assurer leur propre protection. Et il n'était personne de plus douée à ce jeu-là que Clarion. Pour l'instant. Car le moment viendrait – oh il viendrait – où la Reine de Nemeree la mettrait en échec, et lui ferait souffrir mille tourments pour satisfaire le besoin aigu de vengeance qu'elle éprouvait à la seule entente de ce prénom. Si Clarion n'était pas sans ignorer le chemin tragique qu'avait suivi l'une des siennes, Cora doutait cependant qu'elle ait une véritable idée de ce qui l'attendrait une fois capturée. Comme elle s'y attendait – et non sans une pointe d'agacement qu'elle manifesta d'un roulement d'yeux vers le ciel – Pan s'adonna à son rituel favori : celui où il affirmait avec passion sa position de roi, son roi à elle également qu'elle le veuille ou non, d'un ton tranchant, empli de menace et de furie. Il semblait souvent oublier qu'elle n'était pas née à Nemeree, et ne s'y trouvait que pour lui. Si la situation lui déplaisait, elle trouverait toujours refuge dans un royaume où il ne saurait la considérer plus longtemps comme l'une de ses sujets. Elle le laissa faire calmement sans chercher à l'interrompre, son visage se parant cependant de la fureur froide familière qu'elle réservait généralement aux autres. Un rictus glacé étira ses lèvres sans jamais parvenir jusqu'à ses yeux, plus sombres que jamais. Lorsqu'enfin, il termina son laïus royal et terriblement condescendant, elle s'approcha de lui enveloppée dans son manteau de dignité et de refus de se soumettre pour qui que ce soit. Calmement, mais sans laisser le moindre doute quant à son état d'esprit, elle défit les lacets de l'encombrant corset qui entravait sa peau. Le dos mis à nu, elle se tourna pour lui offrir une vue idéale sur celui-ci. « Do not treat me like some vulgar commoner, Peter Pan. I am no subject, not even to you » déclara-t-elle d'un ton ne souffrant aucune réplique. Elle désigna son dos d'un geste de la main, un dos qui portait encore aujourd'hui les cicatrices parfaitement visibles d'années de torture, mais aussi de son aile brisée qui, si elle était désormais reconstruite, ne serait jamais plus entière. De la même façon qu'on ne restaurait jamais un miroir, jamais à son statut initial du moins, on s'était attaché à briser centimètre carré par centimètre carré tout ce que Tinkerbell puis Cora avait été. Au-delà de ce qu'elle pourrait jamais réparer, avec ou sans lui. Mais là où Pan était fougue et feu, elle était méthode et glace. « Need I remind you what I have endured or are the scars enough of a reminder ? Do not get the wrong idea, my love. I couldn't care less about your brothers, it just so happens that our interests align. » Elle le toisait de toute sa taille, l'adressait du même ton empli de condescendance, quoique nettement plus froids. « Just as I do not want to get on your bad side, you do not want to get on mine. She is mine and her death shall be my reward for years of torment. You do not get to take this away from me. Anything else I would concede, but not her, not ever ». Son ton s'adoucit enfin lorsqu'il trouva un semblant de compromis : reconnaître que sa fureur n'était qu'une question d'impatience. Cora laissa percer un sourire entre ses lèvres. « This – this is why it must be me. Try as you might, you could burn this continent to the ground and still be unable to get to her. It takes a fairy to destroy a fairy, my impatient king, none of your magic would ever be enough. » Ses pensées de vengeance brutale et sanglante s'évanouirent au contact de ses lèvres sur sa peau nue. Instinctivement, elle ferma les yeux – un geste qu'il était le seul à obtenir de sa part – et se laissa mener par les baisers de son époux se frayant un chemin de sa bouche à sa poitrine, se laissa mener par les caresses d'une main baladeuse tandis que l'une des sienne empoignait ses cheveux, l'autre s'attardait à le défaire de ses propres habits. Il n'y avait que dans ces moments-ci qu'elle acceptait de perdre le contrôle, même si ce n'était que momentanément. Si le reste du temps, elle était invariablement froide, y compris dans son amour pour lui, leurs contacts physiques offraient à Pan un rappel de ce que pouvait être sa femme : passionnée, brûlante, brutale et douce à la fois, capable de s'abandonner à la vulnérabilité entre ses bras. Elle réprima un grognement quand il s'interrompit et l'informa que quelqu'un venait. « You would think people would fear us enough not to try and interrupt us when we're together » commenta-t-elle au moment où les immenses doubles portes s'ouvrirent pour laisser entrevoir nul autre que Rupert. « My-my-king-my-my-qu-queen, I'm so-so-sorry... » Elle l'interrompit dans sa tentative de prononcer plus d'un mot sans bafouiller pathétiquement. « Rupert, do you remember what I said about your tongue ? Same applies to your eyes, your fingers and if I feel like it, your head. » Il sembla réagir efficacement à la menace voilée et se risqua de tout son courage à donner la raison de sa présence. « You asked me to come to you as soon as we'd find him. Word has come from Aerendyl that he his currently in Avlee. » Visiblement désireux de ne pas s'attarder davantage, pas alors que les regards de ses souverains l'assassinaient un peu plus de seconde en seconde, il s'inclina bassement, perdit l'équilibre, se reprit, s'excusa trois autres fois et disparut au son d'une lourde porte qu'on referme. « Well, this news couldn't have come at a better time. Would you imagine this ? Queen Clarion the fairy has a son. And not a fairy son, no. A hybrid son, part fairy, part human. What a disgrace... » fit-elle avant de laisser échapper un rire moqueur. « And this, my love, is what it takes to destroy her once and for all. » Ses lèvres vinrent retrouver le chemin de celles de Pan, son esprit exalté par ce qui ressemblait à un début de victoire. « I will kill whoever enters before we finish what we started » mit-elle en garde dans un sourire.

  “ Such poetry, ”   darda-t-il dans un ricanement, plus distrait par le principe d’espoir que véritablement inquiet que ce poison-ci puisse encore faire des siennes auprès des petites peuplades d’Aerendyl. Ceux qui se savaient condamnés et basaient leur survie sur rien de plus risible qu’un alliage de cendres et de poussières de fées. L’espoir. Sans se départir de son sourire mesquin, le mot seul parvint à lui arracher un soupir de dédain rapidement troqué pour le sempiternel grondement et tout ce qu’il avait d’estime de lui-même, durement gagnée à grand renfort d’assassinats et de complots couronnés de succès. Après un tel laïus, Pan ne s’attendait pas à mieux de la part de son épouse qu’un refus évident et obstiné de se conformer aux ordres d’un roi, autrement aurait été tant surprenant que profondément décevant, pourtant il ne cacha rien du profond désintérêt pour ses arguments ; tous jugés irrecevable, pour ce qu’il ne voyait que par lui et uniquement par lui. Elle n’avait pas l’air de vouloir comprendre qu’il lui laissait volontiers le soin de se charger de la garce, mais qu’il ne ferait aucun cadeau si ladite garce venait à se mettre sous son nez de nouveau. Pour autant il n’irait pas la chercher, par manque cruel de temps et surtout parce que ses intérêts et envies de meurtres volaient bien au-delà des frontières de Faesallor. Peu décidé à corriger la méprise, mais surtout bien curieux de ce qui se tramait dans le corset de son épouse, Pan assista à la scène qu’elle offrait les bras croisés au-dessus de son buste. Il connaissait les cicatrices, pour les avoir embrassées une à une du bout des lèvres, les avoir retracées à la langue à maintes reprises. Mais aujourd’hui il ne s’arrêtait sur aucune d’elle, et ne voyait que les contours ravissants de ses hanches, les deux fossettes fort avenantes, présage d’une lecture plus passionnante que celle procurée par son dos, quand bien même s’en serait-il volontiers contenté s’il n’avait pas à dessein de la mettre nue dans n’importe quel lit de fortune se présenterait à eux le premier.  Un ricanement d’insolence lui échappa, pour tout ce qu’elle montrait pour tenter de convaincre, et combien cela ne fonctionnait qu’à peine.  Il se moquait de ses douleurs presque autant qu’elle dédaignait jusqu’à l’existence de ses frères, pourtant essentiels à son règne et à la bonne tenue de son esprits déjà fort corrompu.  S’il se sentait responsable des cicatrices futures qui viendraient compléter cette toile sur peau, son intérêt pour le passé qu’ils n’avaient pas de commun trainait loin derrière l’incident des ailes ; chapitre premier de tout ce qu’il serait capable, à l’avenir, d’exécuter contre le seul affront de la mal la regarder.   “ Or what ? ”  fit-il, dans un sifflement de provocation ouverte.    “ You’d kill me, my love ?  ”  Un sourire de malice peint sur la bouche, Pan se redressa, pivotant autour d’elle tel un vautour. Parce que l’importance n’était plus dans la probabilité, mais plutôt dans l’art de le faire, Pan s’arrêta à son niveau, ses paumes tièdes venues serrer ses hanches puis la délicate frontière entre l’estomac et la poitrine.   “ How would you do it ? ”   demanda-t-il, par curiosité morbide et un rien de fascination. Il fit trainer un éclat de rire dans sa gorge, sans l’embrasser, en imaginant, voire en ressentant, la dague froide de le transpercer à l’abdomen. À moins qu’elle ne soit d’humeur à viser la gorge, ou seulement à s’éviter la boucherie et le sang en utilisant sa magie. La mort avait un quelque chose de magnétique, et si elle provoquait des vagues d’effrois aux chétifs de ce monde, Pan était de ceux qui l’accueilleraient le jour venu sur un ' It was about time ' délecté. Il s’imaginait son trépas aussi grandiose et dramatique que ne l’était déjà son tout jeune règne et n’aurait aucun problème à concéder sa fin à sa fée ; tant qu’elle faisait ça bien. D’une vague élégante, il fit apparaitre une dague dans sa main et le fit glisser sous sa gorge, à la recherche de la plus fine parcelle de peau à transpercer de sa pointe. Une larme de sang coula de l’endroit piqué jusqu’à son épaule, et sous un tendre baiser, le point se résorba pour rendre à sa peau son aspect immaculé.   “ Still got it. ”  L’un des charmes de l’amour véritable, ou dans leur cas : incontrôlable. Un effet secondaire et béni qu’aucun n’aura su expliquer, mais dont on ne pouvait nier l’existence, ni l’importance. Il fit disparaitre la dague du même geste et la devina atterrir dans le plus grand des fracas sur son secrétaire, à Nemeree.    “ Anyway. I’ve lost interest in whatever debate we were having when you took off your corset, my dear. ”   Et n’était-ce pas là tout l’intérêt d’être une épouse, et particulièrement la sienne ? Être désirable à ce point que même le plus impitoyable des hommes, des rois, dérivait pour elle, et uniquement pour elle. Il ne concédait évident aucune parcelle de terrain sur la discorde en question, mais la remisait plutôt pour plus tard, puisque l’urgence résidait dans le désir brûlant qu’il éprouvait pour elle et tout ce qu’il était en train de déshabiller au-delà des cuisses, mais d’habiller de baisers dans la nuque ; au diable le débat. La frustration n’en fut que plus grande lorsqu’une présence se fit connaitre ; dépouillé de son moment, il fit un volte face tonitruant. Rapide et souple, Pan se redressa sans prendre le soin de remettre ses cheveux, ni sa veste, dévoilant plus de peau que quiconque ne lui était pas proche aura jamais contemplé.   “ God’s sake !  ”   Rageur, il fit glisser une main impatiente sur sa bouche puis dans sa nuque, avant de jeter un regard furieux à l’importun, et de s’étendre de nouveau dans un siège. Rien de l’entretien n’échappa à ses oreilles pourtant inattentives, et après avoir envoyé ses pieds sur la table, Pan leva les yeux au ciel. Clarion avait donc un fils, et ?   “ So glad I don’t give a damn.  ”  Dans son état, on n’arriverait plus à rien en tirer, pourtant il releva un commentaire jugé idiot compte tenu de eux. La disgrâce, la disgrâce. À ses yeux, il n’y avait rien de moins glorieux que d’être de la caste des fées, encore que les elfes avaient quelques idioties à revendre.   “ She said, to her non-fairy-yet-dashing husband, ”    Au moins avait-il accepté qu’être un magicien était un privilège plus qu’un fardeau, et à considérer l’humain, fade, d’utilité creuse, avec tout le dédain qu’il méritait et non avec l’envie d’en être.   “ How I despise children,  ”   souffla-t-il, à penser que cette chère Clarion avait engendré. Un comble, puisqu’il était un enfant parmi les enfants et que l’on attendrait de lui qu’il soit un protecteur plutôt qu’un oppresseur. Le choix de mots s’avérait en réalité bien pauvre, pour ce qu’il exécrait par-dessus tout la notion d’enfance plutôt que l’enfant en lui-même, mais ne fit aucun doute qu’une réflexion pourtant anodine, saurait trouver une oreille. Il rendit à Tink son baiser, et un autre pour la route, mais se déroba à ses lèvres un bref instant pour un dernier détail jugé essentiel.    “ One last thing, Mr…  ”  Rupert, Your Highness, Rup-    “ Mmm. Yes.  ”  Fusillé du regard, et pas dans la métaphore. Le pauvre bougre s’effondra faute d’un coeur viable pour faire tourner la mécanique, celui-ci se trouvant à présent dans la paume de son Roi. Pan envoya valser l’organe dans les hautes herbes, pour les chiens sauvages et les sangliers qui voudraient s’en repaitre une fois la nuit tombée. Encore un cadavre inutile, un caprice, pour ce que le brave avait voulu bien faire, mais était tombé dans un mauvais moment et surtout, avait profité sans le vouloir des courbes de sa femme à demi-nue.    “ I’ll buy you a new one tomorrow. ”  Ah! Voilà une promesse en l’air, peu concernée, avant de fondre sur elle.

Elle se para de l'un de ces sourires vénéneux dont elle avait le secret et fit profiter son époux d'une honnêteté mordante sans sourciller face aux implications de sa réponse. « I could... » souffla-t-elle, amusée de ce petit jeu dont ils avaient toujours eu le secret et qui leur avait si souvent valu les reproches de ce père à ce point fermé à l'idée d'une idylle entre son fils et sa fée. A mi chemin entre la violence exacerbé du couple mortifère et la sensualité de tout ce que leur relation avait de plus intime, ils étaient de ces duos déroutants par l'intensité physique qui se dégageait de toutes leurs interactions, même celles voilées de menaces qu'ils ne mèneraient jamais à terme. « If I wanted to... » susurra-t-elle à nouveau, envoûtée par la proximité de son époux dont elle s'était languie des jours durant, inconfortable dans un semblant de château trop immense pour elle seule. Sa question, provocation ouverte vraiment, lui arracha un rire moqueur. Elle pouvait imaginer bien des morts pour cet homme, des plus violentes aux plus douces, et répliqua d'une main qu'elle porta contre le cœur de Peter. Sous la peau, les battements accélérés de son cœur dont elle s'amusa quelques secondes, avant de raffermir sa prise et sentir ces derniers ralentir lentement, un battement à la fois, jusqu'à trouver un calme relatif qu'elle jugea satisfaisant. « I'd slow your heartbeat, just like this, until your heart stopped pumping air into your organs and you collapsed, searching for your breath. » Elle ôta sa main, satisfaite de ce projet qu'elle ne concrétiserait pas, ce qu'ils savaient tous deux. Seul comptait le fait de savoir qu'elle pourrait, si elle le désirait vraiment, et qu'ils étaient faits du même amour pour la beauté du geste. Nul doute qu'à ce jeu, Peter se montrerait sanglant pour le plaisir de la démonstration de force, pour asseoir devant tout le monde la puissance de sa magie et conforter le peuple dans la peur qu'ils avaient de leur roi que l'on disait cruel. Mais Cora avait toujours préféré la subtilité à la grandeur, de la même façon qu'elle se satisfaisait pleinement d'un rôle en arrière-plan dans les élucubrations politiques de son époux en quête de toujours plus de pouvoir. « I think it'd be a fitting death, your heart in my hands most literally. » Elle lui ravit un baiser sucré, se languissant d'un contact prolongé entre eux. La pointe d'une dague matérialisée brusquement contre sa peau lui arracha un délicieux frisson, alors même qu'une goutte de sang s'échappait le long de son cou et offrait à Peter l'opportunité de la goûter avec une lenteur mesurée. Elle ferma les yeux, un sourire moqueur sur des lèvres qu'il ne pouvait voir tandis qu'il se tenait derrière elle, si proche et pourtant bien trop loin. « I've missed this » murmura-t-elle, consciente qu'elle aurait pu sacrifier tout ce qu'elle possédait pour un peu plus de lui dans sa vie qui manquait cruellement de ces instants de douceur passionnée. Il lui semblait qu'elle n'aurait jamais assez de Peter pour l'immensité du cœur qui battait à un rythme effréné dans sa poitrine, que tout n'était pas encore assez pour toute l'envie qu'elle avait de lui, mais surtout d'être à lui entièrement, complètement... parfaitement. « I've been know to have that effect, yes » se moqua-t-elle, les prunelles brûlant d'un rien de malice et de beaucoup de désir pour cet époux vers lequel elle se tourna pour se donner à une valse de baisers et de caresses. L'interruption par son conseiller de ce qui s'annonçait être de délicieuses retrouvailles lui fit sensiblement le même effet qu'à Peter, quoiqu'elle conservât sur ses traits de porcelaine la même froideur qu'elle réservait aux autres. La nouvelle qu'apportait Rupert avait tout de même de quoi satisfaire sa quête effrénée d'un point faible à cette reine qui n'en avait bien de reine que le titre, dont elle s'était pourvue sans la moindre légitimité. L'idée qu'il existait une tâche d'encre sur la morale qu'elle enseignait à ses fées avait de quoi faire sourire : un fils, et pas seulement un fils mais un hybride supposant qu'elle s'était laissée aller à du bon temps auprès de l'ennemi humain. Ah, Clarion ne manquerait jamais de la surprendre, même si le moment choisi pour l'annonce était on ne peut plus déplorable. Même pour ça, elle parvenait encore à gâcher son quotidien et la sentence serait à la hauteur de l'affront. « But I haven't spent my life preaching about fairies, and how humans are their worst ennemy and must be ruined and bla, bla, bla. » Elle se fendit d'un rire glacé. « This should be quite entertaining. » Déjà, son esprit se laissait aller à des projets pour faire bon usage de cette information, et combien il serait amusant de retrouver cet enfant, hybride, contre-nature, pour l'utiliser contre sa propre mère. Ah, elle se repaissait déjà de toute la manipulation en prévision et rien ne lui donnait à ce point de satisfaction que d'imaginer le sourire conquérant de Clarion disparaître lentement en reconnaissant ce fils qu'elle avait abandonné. De toute évidence, Peter ne partageait pas cet état d'esprit, et ne manqua pas de le faire savoir avec toute l'immaturité dont il était capable. Le cœur de son conseiller fit une apparition surprenante au creux de sa main tandis que Rupert s'effondrait, mort avant que sa tête n'ait touché le sol. Cora afficha une moue désabusée, mécontente de l'impatience dont Peter faisait une nouvelle fois preuve et la privant d'un conseiller qui, à défaut d'utiliser brillamment le peu de cerveau dont il était doté, avait au moins fait preuve d'une loyauté sans faille ; un trait de caractère particulièrement rare à trouver de nos jours. « I wasn't done playing with him » se plaignit-elle en se soustrayant aux baisers de son époux. Oh, il suffirait de quelques caresses pour lui faire oublier l'affront, mais pas avant d'avoir laissé entendre tout ce que le geste lui inspirait de mécontentement. « I don't need you to buy me anything. I'll handle this myself. » Et si elle avait laissé couler le temps de quelques minutes la remarque qu'il avait faite, celle-ci n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde pour autant. « Would you despise children even if they were yours ? » s'enquit-elle, feignant la curiosité innocente quand son corps s'était contracté à cette seule idée. Car si, pour une raison qui lui échappait, ils trouvaient toujours une façon d'éviter le sujet, elle devait admettre que celui-ci lui traversait l'esprit de plus en plus régulièrement et sans qu'elle soit en mesure de la repousser. Pour tout ce qu'elle avait de monstrueux en elle, de profondément, irrémédiablement corrompu, Cora n'en restait pas moins attachée à cette idée sans doute ridicule d'offrir à cet homme-ci tout ce qui leur avait manqué toute leur vie : une famille.

Pantelant, mais refusant obstinément d’en montrer même une once, Pan demeura de marbre au moins en apparence, quand bien même ce n’était pas sa reine qu’il pourrait duper.  Son souffle retrouvé, il fit glisser un   “ Boring ”   éraillé sur sa joue, dans un soupir de nonchalance et de profond dédain. Pour tout ce que son tout jeune règne inspirait déjà, Pan ne se voyait pas partir autrement que dans une véritable boucherie, un baroud de tous les enfers. Se trouvait-il une mort plus fade que celle décrite par sa fée ? Cracher son dernier soupir dans l’indifférence, le silence, cela pour un besoin impérieux de paraitre, de maquiller son ascendant dangereux sous une indifférence supposée. La colère rutilante et le besoin de rendre tous les coups qu’il avait un jour reçu ne pouvait pas admettre pareille méthode. Il était incapable de comprendre ces silences, ne connaissait qu’à peine l’indifférence, puisqu’il était à fleur de peau en permanence et ressentait tout de manière terriblement décuplée. Il oscillait tantôt entre la lassitude de tout, un rien colorée d’une mélancolie que lui-même trouvait grotesque, mais qu’il ne parvenait pas à réprimer ; d’un besoin d’attirer l’attention sur lui puisqu’il était roi parmi les rois et exigeait qu’on l’amuse ; et une colère bruyante, capable d’annihiler des peuples, Erendieren pour preuve.  Il n’y avait à ses yeux rien de pire que le silence, mais s’agissait-là d’une angoisse profondément refoulée, puisque son père lui avait appris qu’un silence précédait toujours une détonation, un claquement mat, puis ces heurts secrets qu’il avait en horreur depuis, et perpétuait malgré tout, ça dans une sphère beaucoup plus publique. C’était bien en tout cela qu’ils différaient, ce de façon drastique si pas dramatique et Peter avait jugé depuis longtemps qu’il s’agissait là d’une force plutôt que d’une dissension qui finirait par les diviser. Qu’importe l’art et la manière, tant que le travail était fait. Tant qu’elle l’autorisait à la dévorer, croquer dans sa chair, laisser sa marque dans sa nuque pour signifier toujours plus son appartenance, des fois que la bague qu’elle portait à son doigt et les décrets ne suffisent pas. Comme toujours lorsqu’elle se trouvait dans ses bras, il se laissa aller au désir de la posséder, dans un boléro remarquablement cadencé de vêtements que l’on retirent, de baisers qui s’attardent, de langues qui savourent, et de mains qui détiennent et disposent. S’il ne s’était pas agi d’un ridicule petit conseiller, venu encore relancer l’écoeurant sujet Clarion dont il commença à violemment se lasser, probablement qu’ils seraient à présent consacré à plus que des affaires de vêtements et de caresses, ça avec beaucoup moins de vêtements sur le dos. Haletant, pour tout ce qu’il entreprenait avant cette irruption et hautement frustré, Pan ne laissa rien présager de sa lassitude, mais comme à son habitude, en déversa plutôt tout le contenu avec le peu de retenue dont il était encore capable.    “ Make it as entertaining as the night my father paid for his sins and I shall gaze upon that little skank’s demise with as much delight.  ”   À la mention, son regard se para d’un voile sombre, et la soif de meurtre, souvent endormie, mais terriblement mal contenue, se répandit dans ses veines comme un rouleau sur la plage. S’il n’avait pas été si avide d’obtenir la compagnie de sa fée-femme, un battement de sourcils l’aurait emmené dans un village reculé ; l’homicide n’attend personne. Mais puisque Cora se pressait de nouveau contre son torse, que ses mains avaient retrouvé sa taille, le besoin d’elle surclassant tout le reste ne tarda pas à presque lui faire oublier son besoin fugace de sang . Le coeur d’un serviteur dans sa main était une satisfaction, s’occuper de Cora en était une autre, et il trouva un l’équilibre entre les deux plus que respectable, s’attirant encore une fois l’insatisfaction de sa reine et plus d’aigreur qu’il n’était capable de supporter. Puni de nouveau, il se mordit la lèvre pour ne pas voyager purement et simplement comme un enfant vexé et laissa échapper un reniflement d’agacement et d’insolence mêlés. Les bras ballants le long de sa taille et les mains laissées tièdes, mais privées de la peau de sa femme, Peter se leva d’un bond et planta ses talons dans la terre, animé de toute l’impatience et la frustration qu’elle éveillait en lui ; et n’augurait rien de bon.    “ We get it, you’re one grown-ass fairy, Tinkerbell. Now, can we please get down to business before I definitely lose my shit and leave this godforsaken spit of land, on my own.  ”  Pas une menace, mais au moins une perspective qu’il n’aurait aucune honte a appliquer s’il le fallait. Cora pouvait insister lourdement sur son besoin d’indépendance autant qu’elle le voulait auprès d’autres, mais Pan avait assez entendu  le refrain et l’avait surtout volontiers accepté, ce depuis fort longtemps. Pour illustrer, il disparut de son siège pour apparaitre de nouveau, dos à un arbre et les bras croisés sur son torse. If you want it, you have to take it.    “ I’m not very pleased with you tonight, my queen. ”   Le ton était celui d’un enfant capricieux, celui qu’il était dans l’intimité de leur relation uniquement, malgré qu’il le soit autant devant les autres, mais dans un ton drastiquement différent. Sa question trouva un roi perplexe, un rien piqué, et foncièrement fermé à l’idée d’enfants. Pan ne supporterait pas le rôle de père, pour ce que le sien avait été terrible, et même s’il n’était pas son père, s’agissait bien là du seul aspect de sa vie où sa volonté n’allait plus vers son propre intérêt mais plus vers celle d’un hypothétique hériter : il refusait catégoriquement d’infliger à un enfant de l’avoir comme père.   “  Well if we keep up that pace, there won’t be any children to despise.  ”   Chaque mot détaché de l’autre donna à sa phrase une once de sérénité qui pourtant n’y était plus.    “ I do not want children. ”   Il fit glisser sur son épouse un regard d’absolue solennité. Sans craindre les retours de cette vilaine vérité, ou seulement qu’elle puisse surprendre Cora, Peter n’en demeura pas moins précautionneux sur son attitude, des fois que sa reine trouverait en elle le cran de rebeller ; il ne fit aucun doute qu’elle l’avait, mais s’agissait là d’une question épineuse sur laquelle il ne transigerait pas. L’idée seule de donner à ses ennemis un moyen de pression sur lui, donner au peuple qui souhaitait peut-être se soulever une faille, un héritier à abattre, comme l’avait été feu son frère ainé à l’époque, le fit frémir.