Imbriqué entre le brunch de midi avec un partenaire commercial, et une séance de sport à quinze heures, Ella n'était qu'à quelques minutes d'être officiellement en retard à son rendez-vous chez l'esthéticienne. Son équipe n'avait qu'un infime laps de temps avant de finaliser la prochaine collection. Chacun s'afférait à sa tâche, y compris la créatrice, qui jugeait d'un œil scrupuleux le fruit de leur labeur. Certes, elle portait une confiance aveugle envers ses plus proches associés, mais le caractère naturellement perfectionniste et méticuleux d'Ella la força à garder un regard attentif sur tout ce dont elle ne possédait pas le contrôle direct ; y compris chez l'esthéticienne. Si elle pouvait se charger de cette corvée elle-même, elle le ferait. Une chose que sa maman lui avait répété sans cesse à l'adolescence: on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Mais voilà, le temps lui manque, et qui plus est, avec le retour du printemps et des beaux jours valait-il mieux laisser une professionnelle à l'oeuvre. Il faut dire que ces dernières semaines ont été chargées, davantage encore que ce qu'elle avait imaginé pour la saison, et Ella eut très peu - trop peu - de temps à s'accorder à son bien-être, au point qu'elle n'osait plus mettre ni robe ni jupe, et surtout - surtout - de maillot de bain. Sa vulve était aussi poilue qu'un ragondin. Heureusement, la demoiselle n'eut pas non plus de temps à accorder à de nouvelles ou anciennes conquêtes. Cela faisait si longtemps que la jeune femme ne s'était tout bonnement posée au comptoir d'un bar, un verre de whisky entre les phalanges, seule, mais avec l'espoir farouche de repartir accompagnée. Elle est pourtant loin de passée pour ce genre de femme, avec ses airs pompeux et son entourage, aussi coincé que fortuné. On en oublie qu'elle reste un être humain, animé par des besoins et désirs primitifs.