Trois minutes. C’est le temps qu’il faut attendre après avoir pissé sur une languette minuscule – très, très pratique. Et si Rose est la première à être étonnée de devoir passer par là, force est de constater que son retard commence à être inquiétant, tout comme ses nausées. La psychose monte vite et parce que l’incertitude ne fait pas partie de sa vie, encore moins cette incertitude-là, le test a été acheté, le pipi sur le bout fait, et il n’y a plus qu’à attendre 180 putain de secondes. Mais c’est rien. Sûr que c’est rien : on lui rappelle (voire reproche) assez que sa vie sentimentale autant que sexuelle est un désert et elle-même ne fait pas grand-chose pour y remédier. Pas complètement inactive non plus, sa dernière expérience remonte à plusieurs semaines et compte-tenu du type avec qui elle a terminé, ou même de ses perspectives d’avenir actuelles, hors de question d’assumer un gamin. Pas possible de toute façon : tout le monde le lui dirait. Ca ne peut pas lui tomber dessus. Fixant les bras croisés l’objet qui confirmera ce que n’importe qui aurait pu lui affirmer à sa place, l’inquiétude est tout de même là. Pas de bébé. Pitié, vraiment, pas de bébé. De toutes les galères qu’elle traverse, de toutes les misères que la vie lui prodigue, elle se passera bien volontiers de celle-ci. Parce qu’attendre sans rien faire lui est impossible, Rose se prépare une boisson chaude. Rien de mieux qu’un bon thé pour savourer les petites victoires. Vraiment, elle balise trop. Un retard, quelques nausées : ça ne veut rien dire. La bouilloire chauffe, le sachet est mis dans la tasse et… L’attente, encore. Et s’il est bien mieux d’attendre cela, celle du test de grossesse reposant sur la table prend bien entendu sur celle de l’eau à bonne température. Ses doigts se triturent nerveusement jusqu’à ce que le sifflement de la bouilloire la sorte de ses inquiétudes. Pour mieux y replonger une fois le thé préparé. Soupir avant de prendre le test entre ses mains. « Oh putain. » Non non. Pas possible, elle a mal compris la signification des différents résultats affichés. Rose cherche la boite comportant les instructions, se rappelle l’avoir jetée, fouille la poubelle. L’odeur lui colle immanquablement la nausée, et ce qui est absolument normal incarne un nouveau signe d’une éventuelle grossesse. Pitié non. Deux lignes, c’est qu’elle est… « Oh. Pu. Tain. » Pas possible. Mais il faut bien qu'elle y croie.